mardi 11 novembre 2014

Dobardan

Par la fenêtre de la maison, à travers la vitre embuée, l’avocat
Mon avocat de gauche s'est trouvé un copain.
contemple la campagne slovène Il est revenu du Rwanda dans son enveloppe beurrée, à la barbe des douaniers, m’a suivi un petit tour en France, Italie, Croatie, et, lui, mon fidèle destrier et moi hibernons maintenant dans une parenthèse feutrée.

A dire vrai, je suis moins téméraire que j’en ai l’air et l’idée de me retrouver seule dans un pays inconnu, sans parler la langue et maîtrisant mal l’anglais, sans trop savoir où j’allais, m’a paniqué un tantinet. J’avais vu et revu le plan avec la rassurante Sophie, la route était simple entre l’aéroport et mon wwoofing de destination. Route 108 et pfuit, je serais arrivée. Ce qui devait arriver arriva : évidemment je pris la mauvaise direction en sortant de l’aéroport. Engagée sur l’autoroute sans pouvoir m’arrêter pour regarder la carte, j’étais beaucoup moins inquiète d’être perdue que de voir le voyant rouge de la pompe à essence me faire de l’œil. Panique à bord. J’ai du rouler trente kilomètres et dépasser deux stations fermées, jurant, suant, avant d’en trouver une qui, malheureusement, ne contenait qu’un slovène parlant slovène. Après force gesticulations et un léger agacement de la part de l’autochtone, j’ai pu remplir mon réservoir, enfin pas le mien, celui du destrier, et avoir une vague idée de ma position. Ce qui ne m’a pas empêchée de me reperdre.

Bref, je me suis arrêtée, calmée, j’ai mangé et réétudié attentivement le plan avant de reprendre la route. La suite a coulé doux, la route 108 m’est apparue comme le Graal au détour d’un bras d’autoroute et quelques dizaines de kilomètres plus tard, mis des images sur l’idée du mois à venir.

Quand j’ai demandé sur facebook si l’un de mes contacts connaissait un endroit sympa où passer du temps, un colibri a répondu Slovénie, et paradis… vendu. Sans rien préparer, juste l’accord de l’hôte, j’ai débarqué. Bon, j’ai d’abord cherché avant de débarquer, qui m’a permis de rencontrer une slovène absolument charmante. Entre autres m’avoir guidée vers ma cible, c’est elle qui a écumé les dentistes de la région pour en trouver un qui accepte bien de soigner la française sans carte européenne de sécu, elle aussi qui a pris le rendez-vous et m’a accompagnée au boucher lointain. Lointain car elle a fini par joindre personnellement un ami de ses parents à une quarantaine de kilomètres qui m’a soignée une semaine plus tard. Une montagne de muscles et de graisse, le dentiste, un rire sonore qui fait un peu flipper. Mais il ne m’a pas fait payer, sûrement pour acheter mon silence : le Père-Noël est slovène et l’année se déguise en dentiste. Chuuuut. Le tout pour saluer la générosité de ma secouriste de rencontre, la fine blonde aux yeux éclatants de bleu, au prénom de protection périodique et non, ce n’est pas Tampax.

Un lien, donc, vers l’auberge espagnole. Je gardais la surprise de qu’y trouver, et foule de différentes gens, de particuliers animaux, de la musique, tout le temps, de la nourriture et du temps, du temps, du temps… du temps pour savourer, du temps pour s’ennuyer, pour écouter, pour discuter, du temps pour échanger, partager, regarder, du temps pour penser et se dépenser, du temps pour vivre. Rien à voir avec la maison dans la prairie où le temps était optimisé, non : dans les collines slovènes, chaque seconde est précieuse à être vécue.



Dans la pièce chaude du centre maison, on n’accueille pas les gens. Quand tu arrives chez Urban et Lena, tu es chez toi déjà, tu as ta place, ils te la donnent quand tu passes le seuil. Déstabilisant. Un quart d’heure après mon arrivée j’étais déjà d’ici, et personne ne faisait plus attention à moi qu’à un autre. 5 personnes dans la pièces, Urban sur le canapé, grattant sa guitare avec force. A ses côtés la française Carola, absorbée par Kerouac. Igor assis sur le coffre du bois, contre le poêle, tête appuyée au mur, yeux clos. Ecoute. Et Lena, maîtresse de maison, travaille à l’ordinateur. Comme un autre monde.

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