lundi 24 novembre 2014

Slovénie vidi vici

Bientôt quatre semaines que je suis à l’auberge espagnole slovène, dans ma bulle.

Le rythme y est quelque peu particulier. Les jours sans pluie, les durs, les hommes, quoi, se lèvent vers 7h et filent bosser dehors pendant que les flemmards (comme moi) prennent leur temps et préparent un brunch qui tue. Appelle les autres vers 10 ou 11h, qui viennent se sustenter. Un joli moment du matin, qui débute quasi systématiquement par un verre de schnaps. Le schnaps prend une place assez importante ici. Un peu dur au réveil, mais efficace ! Pensée annexe : j’ai découvert être la seule dont les oreilles font mal quand elle boit du schnaps. Les autres ont l’estomac brûlé, moi c’est les oreilles. C’est légèrement inquiétant quant à mes circuits internes.

Après le gros petit déjeuner, chacun file à sa tâche. Depuis mon arrivée, les hommes construisent une grande cabane pour loger convenablement la faune qu’ils entretiennent. Bouba la cochonne, 
Bouba la grosse cochonne
ramassée dans la rue par Lena en plein Ljubljana. Grise et poilue, déambule à sa guise et fouille le compost en grognant. Elle est très drôle. Une dizaine de lapins lapines, des poules, des canards, des paons paons, deux oies qui me suivent en permanence  en essayant de m’impressionner de leurs cous tendus, becs en l’air, mais qui s’enfuient dès que je m’approche. Couardes. Et un pigeon voyageur qui a posé ses valises et dont la tête ne me revient pas ; on ne s’aime pas beaucoup, lui et moi. Il m’attaque quand j’entre dans son périmètre, et je l’insulte bassement, ce dont, de toute évidence, il n’a cure.

La cabane de l'Amour

Les hommes sont à la cabane, donc, concentrés entre deux bières jusqu’à la tombée de la nuit. Les femmes, Rose et moi, à la cuisine, comme au bon vieux temps. Mais la cuisine, ici, se fait lentement, et tendrement. On teste des trucs, on épice, on herbe, on cuit, on frit. Et on fait des desserts. Chaque jour un nouveau. Un gâteau bananes/chocolat, des galettes des rois aux amandes ou aux noisettes, des pommes fourrées de purée de noix, une tarte au chocolat, un muffin géant bananes/chocolat, un strudel, des croissants, une tarte tatin, un gâteau au gingembre, et j’en passe. 
"Si on oublie que ça devrait
avoir le goût des croissants, c'est très bon!"
L’enthousiasme est général, toujours, et encourageant. Le seul hic c’est qu’ils veulent manger tous les jours, c'est fou ça. Avoir encore et toujours de l’inspiration, avec peu de matière première et encore moins de variété, je comprends maintenant ma mère soupirant le soir, mais qu’est-ce qu’on va manger ?... trois semaines et demi que je prépare à manger pour 5 à 10 personnes, j’en peux plus, les gars, faites-moi des pâtes au beurre et des pizzas surgelées.
Outre la cuisine, si on veut, et si on a le temps, mais on a plein de temps, on désherbe, on plante de l’ail, on casse des noix, on vernit des planches, on va faire les courses, on nourrit les animaux, on va se balader dans la forêt. Et on s’occupe du compost tous les deux jours ! Retourner les deux tas qui ornent le chemin et s’émerveiller de les sentir plus chauds à chaque fois. Aujourd’hui, on y a mis des pommes de terre à l’abri dans du papier alu, pour voir si elles cuisent. Haha.

Et quand 18h arrive, avec la nuit bien tombée, on déjeune. Autour de la table, le feu crépitant dans la cuisinière comme-chez-ma-mémé. On mange, on rigole, on écoute de la musique et on se rend compte que la dance des années 90 était la même ici que chez nous, et puis on joue parfois.

IL y a aussi les soirées où Urban a une chouette idée.
Le 1er novembre, par exemple, il a proposé très sérieusement d’aller se promener au cimetière. Fossé culturel. Le 1er novembre, les slovènes illuminent les tombes de bougies, et les gens vont se promener au cimetière en famille. C‘est étonnant, et assez surréaliste. Ce champ de bougies sur les stèles, ce silence envahissant de respect, dans la nuit.
Un autre soir, il a décidé que c’était le bon pour aller acheter des tuiles pour le toit de la cabane. On s’est enfournés à 4, à 20h, dans l’automobile, pour joindre à 40km de là, dans la pluie, le brouillard et la nuit noire, Slovenia by night, des tuiles entassées contre une grange inaccessible. En empiler 250 sur le char d’un tracteur, dans la boue, glissante, avant de les recharger dans la remorque de la voiture, couronner le tout d’un verre de vin maison à avaler cul sec (ça rigole pas) et rentrer à 30 à l’heure parce que la voiture a du mal à tirer tout ça, décharger dans le noir. Dormir.

Je ne précise pas que les tuiles, on ne les a évidemment pas déchargées à côté de la cabane parce que ce n’était pas possible. Il a fallu que je les trimballe le lendemain, de la palette au chantier, 30 marches d’escalier et une trentaine de mètres dans une pente boueuse, 250 tuiles de 1,5 kg chacune. M’est avis que c’est une punition à la Prométhée, j’ai du déplaire aux Dieux pour qu’ils m’envoient systématiquement dans des endroits où il faut charrier des tuiles.

Aussi, on est allés chercher un bébé chien dans une ville qui s'appelle Ptuj (prononcer Ptouille), autant avouer que mon humour d'enfant de 5 ans a resurgi, j'ai rigolé de ce nom pendant des heures. D'ailleurs rien que d'y penser je rigole encore, et non je n'ai pas honte de rire pour des broutilles. Ptuj, haha.

J'ai été frappée par le bon
goût slovène en matière
de décorations de Noël
Encore, j'ai passé un court week end à Ljubljana, invitée à un festival de théâtre d'impro. 4 spectacles aux frais de la princesse, oui Madame ! j'ai mes entrées. Tout était en anglais s'il vous plaît! j'ai presque tout compris. J'ai demandé aux slovènes comment et pourquoi diable ils parlaient tous parfaitement anglais, ils arguent tous la VO à la télé. Un autre m'a répondu que la Slovénie, petit pays, se devait de s'ouvrir au monde. Quoi qu'il en soit leur excellent niveau met en exergue notre mauvais, j'en ai passablement honte. Fort heureusement pour moi, j'ai trouvé la parade: je raconte avec force détails, et maintes erreurs de langue, que j'enseigne l'anglais en France, et la stupeur combinée à l'hilarité rendent mes interlocuteurs beaucoup plus tolérants à mon égard. Je suis une victime du système français, que voulez-vous mon bon Monsieur.

Vue de la plus haute tour de Ljubljana sur le château
et sa vieille ville
Bref, j'ai passé un week end théâtre à Ljubljana, entrecoupé de burek, kebab local, de chocolats chauds à la vodka (hips) et de balades solitaires dans les rues étroites. Deux jolis jours, vraiment.


Le temps passe, le temps passe! différemment, ici. La vie en communauté me ramène une dizaine d’années en arrière, plutôt agréable pour un temps déterminé, surtout avec des bienveillants. Mais, malgré toute cette simplicité et cette douceur de vivre qui se dégage de l’auberge espagnole, malgré la profonde bonté d’Urban, l’énergie de Lena, l’humour décalé d’Igor et le flegme adolescent de Rose, malgré les multiples rencontres et malgré Tchitche le chat aveugle qui ouvre les portes, il est bientôt temps pour moi de reprendre la route. Je vais aller voir ailleurs si j’y suis...

vendredi 21 novembre 2014

The Rose

Le gros moins dans l’auberge espagnole, c’est que je ne suis jamais seule, jour, nuit, whenever. Notamment parce qu’il y a une autre wwoofeuse, française, avec laquelle je partage la chambre, le lit, et le temps. Soulagée que j’étais quand je suis arrivée et que l’appréhension d’être isolée à cause de la langue a été levée ! Rose est une grande jeune femme, avec une coupe de cheveux trop cool de la mort qui tue comme ma copine Elsa, court derrière et de grandes mèches devant. Elle est née d’une famille de bouddhistes, a grandi en côtoyant un centre de méditation international, retraites et tout et tout. Elle est fille unique, a vécu le divorce de ses parents à 6 ans et a été longtemps en échec scolaire jusqu’à l’idée géniale d’intégrer le lycée auto géré de Paris. Je l’ai assaillie de questions. Dans ledit lycée, on valorise les intelligences différentes, les talents artistiques ou manuels, on propose aux élèves de nombreux ateliers d’écriture, dans toutes les matières. Dans toutes les matières aussi, des discussions, des débats, des exposés. Faire naître chez les élèves la curiosité et la confiance en soi sont les idées directrices, d’après ce que j’ai compris – et ça marche. Dans certains cas. Le lycée n’a pas d’administration : en collaboration avec les profs, il est géré par les élèves eux-mêmes, qui sont libres de s’investir ou non. Leur degré d’autonomie va assez loin pour les laisser choisir leur taux d’absentéisme. C’est tout de même là qu’est l’os car d’après Rose, la plupart des élèves ne fréquentent que très peu le lycée, et le taux de réussite au bac est la pire de France. L’entendant résumer la vie de ses camarades après la sortie du lycée, mille questions s’imposent sur la pertinence du dispositif. A discuter.

Rose, donc, est une jeune femme vachement rebelle, qui milite pour la liberté, parce que la liberté, c’est le but ultime, quoi. Elle critique la société pourrie, elle est contre l’argent, Rose, et elle est végétalienne, on peut vivre sans faire de mal aux animaux, on peut manger les graines, quoi ! D’ailleurs, elle veut sauver les lapins d’Urban parce qu’il veut les manger. Elle veut les lui acheter, les faire vacciner, et les rapatrier en France par avion mais bon, la compagnie veut pas alors elle m’a demandé de les ramener en voiture. Devinez ce que j’ai répondu. Bon, d’ailleurs, elle a pas encore demandé à sa mère mais elle va les mettre dans sa chambre, les 5 lapins, toutes façons elle s’en fout elle veut pas qu’ils meurent, au pire elle les achète et les lâche dans la forêt. Faut se battre pour ses idées, quoi, elle a un copain qui a sauvé une chèvre, pis elle peut assurer financièrement, pour ses 18 ans elle va avoir au moins 100 euros.

Rose, elle veut vivre avec la nature, avec une ferme et tout. Mais Rose, elle fait la grasse matinée tous les matins et elle me regarde préparer le brunch parce que bon, elle peut rien faire tant qu’elle a pas mangé. Alors elle traîne sa carcasse voutée du lit à l’ordinateur, et elle a un drôle de regard hagard quand elle constate j’ai encore oublié qu’elle ne mangeait ni viande, ni œufs, ni lait. Je pourrais quand même faire attention. Elle n’empoigne quelque chose que quand elle en a envie, des fois elle a envie de préparer à manger, elle met une heure à regarder les recettes sur Internet, il est 16h, elle en met une autre pour chercher si on a les ingrédients, il est 17h, elle en a trouvé mais il faut qu’elle vérifie s’il y a la quantité, il est 18h, et quand elle constate que non, elle laisse tomber et elle retourne au lit. Quand je me rends compte qu’elle a laissé tomber, tout est en vrac sur la table, ustensiles sales, et les affamés sont dans l’escalier. Ouais, nan, y’avait pas ce qui fallait.  

Rose, elle parle lentement, marche lentement, réfléchit lentement, me regarde lentement, fait tout lentement. Mais m’énerve très vite. Par exemple, quand je chantonne, elle se met immédiatement à chantonner aussi, mais autre chose. Quand elle mange, elle ouvre la bouche et je n’entends plus que ça, elle mâche, elle mâche, elle s’arrête pas pendant tout le repas, ça résonne dans ma tête, ça prend des proportions énormes parce que je ne pense qu’à ça, je ne comprends plus ce que disent les autres et dans la demi-mesure qui me caractérise, mes nerfs ne rêvent que de lui exploser la tronche contre le mur crépit.
Parfois elle a des pulsions musicales et s’acharne au jumbe, avec un rythme totalement innovant. Ma mâchoire se crispe déjà quand elle chante, mais le jumbe fait saigner mes oreilles.


A dire vrai, j’ai du mal à vivre à temps complet avec une ado de 17 ans. J’ai laissé tomber l’idée de lui parler comme à une adulte, et je ne sais pas m’adresser à une ado. Bref, je rame.

lundi 17 novembre 2014

Slovipédia

Je n'avais pas tapoté depuis longtemps, et plusieurs personnes aujourd'hui me donnent envie de m'y remettre... rapidement.

La route. The end.
La Slovénie est un tout petit pays, 2 millions d’habitants, densité de 99 habitants/km². Pour donner une idée : la France est à 112, le Rwanda à 340. On en apprend, des choses ! La moitié de la population habite les villes, peu nombreuses. Ljubljana est la capitale, principale, 3 ou 4 autres villes importantes qui, pourtant, n’ont rien de nos cités. Le relief est tout collines et forêts ! un panorama somptueux de verdure, de nature, de sérénité. Depuis mon arrivée, la forêt d’en face s’est métamorphosée (un peu comme mon avocat , mais j’y reviendrai plus tard), de verte à bigarée, elle est devenue brune…un réseau routier parfaitement entretenu mais peu dense… des routes sinueuses

grimpent les collines, et, arrivées en haut, elles s’arrêtent. Comme ça, quoi. C’est un peu perturbant quand on se balade en voiture. Mais si les autochtones minimisent la sereine beauté des reliefs, ils insistent très régulièrement sur le fait que leur pays compte 42km de côte, oui Madame. En général ils insinuent que ces enfoirés de croates leur ont piqué tout le reste, et qu’ils ne lâcheront pas un centimètre de plus, faut pas pousser quand même.

Le jour se couche plus tôt que chez vous, que chez nous, quoi, il fait nuit noire à 17h. Mais le  climat n’est pas si éloigné du nôtre finalement ; j’avais pris moult pull over et chaussettes de ski, au diable. Il fait encore bon en journée ! y’a plus de saison, même ici.

Quand au slovène, à l’instar du japonais mais pas de Gérard Depardieu, il a l’autoencéphale hautement développé et le pouce préhenseur. C’est donc un être humain comme vous et moi. Il se distingue nettement de la brute slave censée conduire des charrettes et dompter les ours. D’ailleurs je n’ai pas vu d’ours, encore, alors que bon, j’étais quand même venue pour ça.

Le slovène est aussi un peu le Georges Pérec  slave : le moins de voyelles possible dans sa langue, et qu’on ne me parle pas d’articulation. La ville contiguë est Krsko, c’est fou, non ?

Au niveau acquis sociaux, savourez, les gars : ici le smic est à 600 euros, pour 40h par semaine. Un RSA de 200euros maximum savamment calculé sur la base de je n’ai pas compris quoi. Mon niveau d’anglais s’améliore, mais c’est pas encore ça, et quand Orwell soutient que l’appauvrissement d’une langue appauvrit les idées du peuple, je le constate à mon échelle : je suis incapable de soutenir une conversation sérieuse, sur l’avenir du monde, faut faire la révolution, les politiciens sont tous pourris et tout et tout, je ne parle que du beau temps et du pigeon qui m’a attaquée. Je deviens bête, quoi. Pour compenser, je devrais utiliser ici des mots très compliqués, genre philologue ou cataplasme.

Tout ça pour dire que le cadre est beaucoup moins dépaysant que le Maroc ou le Rwanda dont j’ai foulé les sols cette année, mais tout aussi émouvant, d’une autre simplicité. Etrange, ce pays a pour moi le visage de mon frère ! la force tranquille, les mains dans la terre, les copains autour de la table, un bon repas et un jeu. Spéciale cacedédi Bro !


Pour finir en beauté, je vous annonce le baptême de mon avocat qui a enfin trouvé prénom ! Ernest a donc été baptisé hier, il mesure 21cm et a 8 belles feuilles. Il est devenu la mascotte du coin, sa fulgurante poussée en bouchant plusieurs autres…

mardi 11 novembre 2014

Dobardan

Par la fenêtre de la maison, à travers la vitre embuée, l’avocat
Mon avocat de gauche s'est trouvé un copain.
contemple la campagne slovène Il est revenu du Rwanda dans son enveloppe beurrée, à la barbe des douaniers, m’a suivi un petit tour en France, Italie, Croatie, et, lui, mon fidèle destrier et moi hibernons maintenant dans une parenthèse feutrée.

A dire vrai, je suis moins téméraire que j’en ai l’air et l’idée de me retrouver seule dans un pays inconnu, sans parler la langue et maîtrisant mal l’anglais, sans trop savoir où j’allais, m’a paniqué un tantinet. J’avais vu et revu le plan avec la rassurante Sophie, la route était simple entre l’aéroport et mon wwoofing de destination. Route 108 et pfuit, je serais arrivée. Ce qui devait arriver arriva : évidemment je pris la mauvaise direction en sortant de l’aéroport. Engagée sur l’autoroute sans pouvoir m’arrêter pour regarder la carte, j’étais beaucoup moins inquiète d’être perdue que de voir le voyant rouge de la pompe à essence me faire de l’œil. Panique à bord. J’ai du rouler trente kilomètres et dépasser deux stations fermées, jurant, suant, avant d’en trouver une qui, malheureusement, ne contenait qu’un slovène parlant slovène. Après force gesticulations et un léger agacement de la part de l’autochtone, j’ai pu remplir mon réservoir, enfin pas le mien, celui du destrier, et avoir une vague idée de ma position. Ce qui ne m’a pas empêchée de me reperdre.

Bref, je me suis arrêtée, calmée, j’ai mangé et réétudié attentivement le plan avant de reprendre la route. La suite a coulé doux, la route 108 m’est apparue comme le Graal au détour d’un bras d’autoroute et quelques dizaines de kilomètres plus tard, mis des images sur l’idée du mois à venir.

Quand j’ai demandé sur facebook si l’un de mes contacts connaissait un endroit sympa où passer du temps, un colibri a répondu Slovénie, et paradis… vendu. Sans rien préparer, juste l’accord de l’hôte, j’ai débarqué. Bon, j’ai d’abord cherché avant de débarquer, qui m’a permis de rencontrer une slovène absolument charmante. Entre autres m’avoir guidée vers ma cible, c’est elle qui a écumé les dentistes de la région pour en trouver un qui accepte bien de soigner la française sans carte européenne de sécu, elle aussi qui a pris le rendez-vous et m’a accompagnée au boucher lointain. Lointain car elle a fini par joindre personnellement un ami de ses parents à une quarantaine de kilomètres qui m’a soignée une semaine plus tard. Une montagne de muscles et de graisse, le dentiste, un rire sonore qui fait un peu flipper. Mais il ne m’a pas fait payer, sûrement pour acheter mon silence : le Père-Noël est slovène et l’année se déguise en dentiste. Chuuuut. Le tout pour saluer la générosité de ma secouriste de rencontre, la fine blonde aux yeux éclatants de bleu, au prénom de protection périodique et non, ce n’est pas Tampax.

Un lien, donc, vers l’auberge espagnole. Je gardais la surprise de qu’y trouver, et foule de différentes gens, de particuliers animaux, de la musique, tout le temps, de la nourriture et du temps, du temps, du temps… du temps pour savourer, du temps pour s’ennuyer, pour écouter, pour discuter, du temps pour échanger, partager, regarder, du temps pour penser et se dépenser, du temps pour vivre. Rien à voir avec la maison dans la prairie où le temps était optimisé, non : dans les collines slovènes, chaque seconde est précieuse à être vécue.



Dans la pièce chaude du centre maison, on n’accueille pas les gens. Quand tu arrives chez Urban et Lena, tu es chez toi déjà, tu as ta place, ils te la donnent quand tu passes le seuil. Déstabilisant. Un quart d’heure après mon arrivée j’étais déjà d’ici, et personne ne faisait plus attention à moi qu’à un autre. 5 personnes dans la pièces, Urban sur le canapé, grattant sa guitare avec force. A ses côtés la française Carola, absorbée par Kerouac. Igor assis sur le coffre du bois, contre le poêle, tête appuyée au mur, yeux clos. Ecoute. Et Lena, maîtresse de maison, travaille à l’ordinateur. Comme un autre monde.

dimanche 9 novembre 2014


Le séjour en Croatie fut doux. Lent et doux. Même si je me suis fait engueuler par un mec en maillot de bain.

Sale mec en maillot de bain.
De belles villes côtières au ralenti, parsemées de touristes autrichiens, de splendides fronts de mer et des marchands de glace partout. Une, surtout, devant laquelle nous avons hésité le dernier jour. Plantées devant le camion du meilleur artisan du coin, nous nous demandions avec entrain si nous avions de quoi nous payer une ou deux boules chacune, sujet de la plus haute importance, parce que si on prend deux boules on aura peut-être pas assez pour l'autoroute demain, mais en même temps je crois qu'on peux payer en euros donc ça passe, mais peut-être qu'il faudrait en garder pour quelques litres d'essence. "OH ! MY ! GOD !" L'assaut Janice venait de la vendeuse, elle semblait en transe avec ses cheveux noirs de jais et son tablier rose. "What a beautiful language !"... Haha. Le contraste entre le contenu de notre conversation et le fait qu'elle en trouve la forme si belle m'a rendue coite, puis j’ai pris une boule.

L'usage hésite au sujet du genre de "jaja".
Mais il est sûr qu'il n'existe pas de pluriel.
En général, d'ailleurs, nous ne nous sommes pas trop mal débrouillées, culinairement parlant. En sus du gâteau au jaja, inoubliable, nous avons déjeuné une fois les pieds dans l'eau, un autre où, au culot, dans un hôtel quatre étoiles. Oui Madame. La serveuse avait la main dans le dos, et tout ! Une heure de nos vies nous étions des reines, dégustant le poisson grillé sur son riz safrané, face à la mer. On n’a toujours pas compris pourquoi les plats y étaient à douze euros.

De petits villages abrupts et sinueux, encore! Dans un silence émouvant, des chats partout. Parfois une musique s’échappe d’une fenêtre entr’ouverte, des rues étroites et pavées, des fleurs dans les coins, des églises au détour. Et une glace.
All stars ****

Une ville morte, aussi, certainement très touristique l’été, tout était fermé fin octobre. Mélancolique fantôme, ambiance pesante.

Jolie Croatie en période off. Une sérénité différente mais bienfaisante.

Mais puisque nous n’avons au aucun problème dehors, il m’a fallu un problème de dent. La quête d’un dentiste slovène s’est soldée par des raccrochages de nez sans autre forme de procès. Je le concède : ma maîtrise des langues étrangères y est peut-être pour quelque chose, mais quand même, c’est pas urbain. Nous sommes parties pour Ljubljana, capitale de la Slovénie, avec moi râlant de ma dent. La ville me l’a faite oublier.

Centre ville Ljubljanais

Ljubljana ! Sophie et moi avons toutes deux été conquises. D’abord parce que, garées à une vingtaine de minutes du centre, nous y avons accédé par une forêt, une vraie forêt presque en centre ville ! et la ville… traversée par une mignon cours d’eau, des rues pavées bordées de cafés, de restos, de magasins sans bling bling, et puis une glace. La meilleure de toute la vie du monde entier jusqu’au ciel. Au tiramisu. On est aussi montées au château qui surplombe la ville et surprises, construit sur la roche apparente à l’intérieur, de la verdure courant sur les murs, et une vue sur la ville !... un bijou. La journée fut très belle.


Le lendemain, Sophie prit l’avion pour rejoindre Paris me laissant seule aux griffes des slovènes affamés… suspense...

mardi 4 novembre 2014

Borderline

La prochaine fois que je voyage avec une amie, j’en choisis une qui n’est pas facialement périmée sur sa carte d’identité.

Après l’Italie du Nord, cap sur le monde croate. Aucune phobie de
la frontière, trop fastoche en Europe. Au loin notre destination, après 2000km elle est douce d’être à portée ! Je stoppe devant le douanier. Trapu, l’œil doux du chien enragé, la casquette vissée sur la tête, un seyant uniforme kaki, il tend la main, et moi, l’œil hagard d’excitation adolescente, demande ce qu’il veut voir. Dans un anglais approximatif et semi-aboyant, what policemen ask you in France ? Surprise du ton et supputant que ce n’était pas mon 06, parce que j’en perdais mon anglais, j’ai demandé : Identitätkarte ? ça a du l’agacer que je passe de l’anglais à l’allemand, alors que ma plaque française. J’ai obtempéré. And ? Les papiers de voiture n’étaient visiblement pas ceux qu’il attendait. Erreur numéro 2. How many persons in the car ?... là j’étais contente parce que j’ai répondu juste. Pendant que j’arborais mon plus beau sourire en serrant les fesses, Sophie est sortie de la voiture, agacée un tantinet par le ton péremptoire de Herr Douanier, a cherché son Identitätkarte dans sa valise et lui a tendu après avoir claqué la porte, signifiant ainsi clairement qu’elle serait moins lèche-bottes que moi. Lui dit : You know it ‘s out of date ? Elle répond que Yes, I know but in France… You’re not in France. But… NO BUT BUT BUT. Park the car. Elle remonte dans la voiture en reclaquant la porte, elle est trop véner. Quel connard ce mec, t’as vu comme il nous parle, je te parie qu’il va nous demander du fric. Souris, Sophie, souris, il nous laissera passer si on reste gentilles.

Il aboie encore. Cars paper. Pas commode. Do you smoke ? Does she smoke ? Je respire et répond calmement, mais je lui mordrais bien l’avant-bras, au gentil monsieur. Nobody’s smoking in the car. You know it’s 500euros for out of date papers ? only 250 if you pay now. J’hallucine, il essaie de nous entuber, le mec. D’abord il veut nous piquer les cigarettes qu’on a pas, puis l’argent qu’on a pas non plus. You pay now or you go to Ljubljana to make other papers. Ok, we go to Ljubljana now, thank you. Elle ne veut pas payer, je suis d’accord avec elle, on fait mine de remonter dans la voiture mais il continue, Do you have some medicament in your car ? Open the luggage. J’ouvre le coffre et déballe ma valise, lui met sous le nez ma trousse de secours qui contient trois boîtes sur ordonnance en lui soutenant que tout est en vente libre. Where do you go ? why ? how many time ? punaise, ma tête tourne quand il m’assaille de questions. Are you going to a man or a woman ? je le regarde atterrée, qu’est-ce que c’est que cette question ? If I call, who will answer ? il nous prend pour des neuneus. La mer noire ? Where exactly do you go ? Give me the adress. On lui donne, il recopie sur un bout de papier pourri qu’il va jeter dès qu’on aura les roues tournées. Regarde ses potes, ils sont morts de rire. Il note encore, consciencieusement. You know you will have to pay if you’re arrested again ? You’re sure you don’t have cigarettes? No cigarettes, Mister, and if you say we’ll have to pay you surely right, you know the law of the country, not me, I trust you. It’s ok for today, you can go. Oh thank you very much, can I ask you what can we do now ? Go to Zagreb? Thank you very much for your help, goodbye.

Il tourne le dos et nous jumpons in the car, sonnées. Il avait juste envie de tester son autorité sur les petites frenchies, celui-là, mais on est pas venues là pour sucer les bites des douaniers, bordel. Alors on se détend un peu, beaucoup, et on rit, on rit, on rit, et malgré cet accueil croate particulièrement hostile, on est trop contentes d’être là. En vacances.



NDLR : Après coup de fil à l’ambassade, le monsieur du bout du fil nous a confirmé que la Croatie accepte les cartes d’identité européennes périmées de 5 ans ; bien tenté, le douanier…