dimanche 10 mai 2020

Au temps du Corona - Olivier, Luang Prabang, Laos

« Alexia, tu sais, en fait le coronavirus c'est un petit truc microscopique, il a une petite couronne et oh ! sur le mur il y a un énorme gecko tu sais ! Oh le gecko ! Au revoir ! »

Luang Prabang, Laos.

Hélène enseigne à l'école française et l'ont suivie Olivier, Théodore, Gabriel.

Il sont arrivés en août et se sont installés, dans la ville, dans leur maison, dans cette culture qu'ils avaient hâte de rencontrer et pour laquelle ils ont tout quitté, en France. Passionnément curieux, un peu stressés.
Ils ont retrouvé un quotidien, se sont fait des amis, ont déployé leurs curiosités pour s'en mettre plein les papilles et les mirettes, ils ont chialé de la quantité de travail astronomique à l'école et ragé de ne pas trouver de boulot, ils ont fait des bêtises, ils sont tombés, se sont relevés, ils ont vécu, quoi, tous les quatre.

En janvier, j'y étais encore et ça chuchotait de toutes parts... un virus. En Chine. Que jouxte le Laos par son nord. Olivier, comme beaucoup d'entre nous, a fait confiance et attendu. Pas le genre de mec à paniquer, plutôt le genre à rassurer. Les rumeurs parlaient d'un chinois qui aurait traversé la ville, et j'imaginais le zombie, bave aux lèvres, crachant sur chaque passant, mordant ceux qui ne couraient pas assez vite, les cris d'horreur, la ville en feu, la fin du monde. En fait que dalle : on a acheté des masques et on a attendu. Eux aussi.

Fin mars, ils se sont posé la question... rester, partir, rentrer pour revenir, ou pas... ils ont jeté un œil sur ce qui se passait à droite à gauche, les galères des uns et des autres en Asie ou ailleurs, des expat', des touristes, et la situation en France, des relents de mesures dictatoriales... par le prisme des médias c'est un peu faussé mais ça semblait finalement pas si mal de rester ici. Ils ont misé sur la bo penyang attitude, et se sont calfeutré.

Olivier n'a pas vraiment peur du virus. Peu de malades au Laos. Il craint plus les attaques des moustiques que rien ne calme, et qui provoquent en ce moment une recrudescence de cas de dengue et de palu. Ça, ça le fait flipper. Le Covid, c'est du pipi de chat à côté de vraies épidémies qui frappent toujours les pays déjà en difficulté. Et ces pauvres petits européens privés de liberté... sarcastique non ? Il siffle la croissance, le profit, ces grands patrons qui attendent juste de rattraper le retard... pendant que des millions de personnes perdent tout, confinements impossibles, exodes, famines, avec quel avenir ? Quand il parle il a la rage.

A la maison les routines sont renforcées. Il faut des repères pour structurer ce temps qui s'étire. Théo et Gabi ricanent en parlant du conarvirus, ils font l'école à la maison, ils jouent dedans, dehors, se fendent le menton, regardent rougir les tomates et mangent les fruits du jaquier que leur donne le voisin. Ils ont presque l'air insouciants. Seulement, Théo dit vingt fois par jour qu'il va bientôt rentrer à la France. Ils dorment mal et bombardent les parents de questions... mais y'a pas de réponse. Ils ne savent pas quand ni comment ils pourront rentrer. Cette année décrochée tourne au vinaigre et ça devient difficile. C'est long. Ils sont tous les quatre, Olivier dit c'est déjà ça, certainement l'essentiel. On se fait de gros câlins... que faire d'autre ?

1 commentaire: