Luang
Prabang, Laos.
Hélène
enseigne à l'école française et l'ont suivie Olivier, Théodore,
Gabriel.
Il
sont arrivés en août et se sont installés, dans la ville, dans
leur maison, dans cette culture qu'ils avaient hâte de rencontrer et
pour laquelle ils ont tout quitté, en France. Passionnément
curieux, un peu stressés.
Ils
ont retrouvé un quotidien, se sont fait des amis, ont déployé
leurs curiosités pour s'en mettre plein les papilles et les
mirettes, ils ont chialé de la quantité de travail astronomique à
l'école et ragé de ne pas trouver de boulot, ils ont fait des
bêtises, ils sont tombés, se sont relevés, ils ont vécu, quoi,
tous les quatre.
En
janvier, j'y étais encore et ça chuchotait de toutes parts... un
virus. En Chine. Que jouxte le Laos par son nord. Olivier, comme
beaucoup d'entre nous, a fait confiance et attendu. Pas le genre de
mec à paniquer, plutôt le genre à rassurer. Les rumeurs parlaient
d'un chinois qui aurait traversé la ville, et j'imaginais le zombie,
bave aux lèvres, crachant sur chaque passant, mordant ceux qui ne
couraient pas assez vite, les cris d'horreur, la ville en feu, la fin
du monde. En fait que dalle : on a acheté des masques et on a
attendu. Eux aussi.
Fin
mars, ils se sont posé la question... rester, partir, rentrer pour
revenir, ou pas... ils ont jeté un œil sur ce qui se passait à
droite à gauche, les galères des uns et des autres en Asie ou
ailleurs, des expat', des touristes, et la situation en France, des
relents de mesures dictatoriales... par le prisme des médias c'est
un peu faussé mais ça semblait finalement pas si mal de rester ici.
Ils ont misé sur la bo penyang attitude, et se sont calfeutré.
Olivier
n'a pas vraiment peur du virus. Peu de malades au Laos. Il craint
plus les attaques des moustiques que rien ne calme, et qui provoquent
en ce moment une recrudescence de cas de dengue et de palu. Ça, ça
le fait flipper. Le Covid, c'est du pipi de chat à côté de vraies
épidémies qui frappent toujours les pays déjà en difficulté. Et ces
pauvres petits européens privés de liberté... sarcastique non ?
Il siffle la croissance, le profit, ces grands patrons qui attendent
juste de rattraper le retard... pendant que des millions de personnes
perdent tout, confinements impossibles, exodes, famines, avec quel
avenir ? Quand il parle il a la rage.
A
la maison les routines sont renforcées. Il faut des repères pour
structurer ce temps qui s'étire. Théo et Gabi ricanent en parlant
du conarvirus, ils font l'école à la maison, ils jouent dedans,
dehors, se fendent le menton, regardent rougir les tomates et mangent
les fruits du jaquier que leur donne le voisin. Ils ont presque l'air
insouciants. Seulement, Théo dit vingt fois par jour qu'il va
bientôt rentrer à la France. Ils dorment mal et bombardent les
parents de questions... mais y'a pas de réponse. Ils ne savent pas
quand ni comment ils pourront rentrer. Cette année décrochée
tourne au vinaigre et ça devient difficile. C'est long. Ils sont
tous les quatre, Olivier dit c'est déjà ça, certainement
l'essentiel. On se fait de gros câlins... que faire d'autre ?
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