lundi 29 septembre 2014

28 septembre.


Dix jours ont coulé depuis mes derniers fleuves. Contre toute attente, ils entretiennent le lien que j’ai avec vous et chacune de vos réactions, remarque horrifiée, encouragement, par voie écrite ou orale, ici ou là, m’a procuré un plaisir inattendu. Je découvre après coup pourquoi j’ai ouvert ces pages : une envie de partager avec vous, un peu, à ma manière, sans objectif aucun de qualité à atteindre, ce que je vis dans ce temps important pour moi. Ne pas s’attendre à ce que ce soit toujours passionnant, toujours rigolo, toujours stylé. Je ne m’astreins à aucun rendement, j’écris à mon envi.Ceci étant dit, la suite, donc, après Ned…
… un passage chez une femme magique dans un lieu magique. Une maison en bord de Loire et deux hectares de terrain, un paradis de jardins mêlés d'art.

Une visite d’Angers avec lui qui m’a commenté la sculpture de cathédrale illustrant les tables de la Loi de Noé, vous savez ? la Bible, Jésus, Dieu, tout ce qui s’ensuit, quoi.  Près de 1500km, 14 covoitureurs et mille histoires avec eux, trois de plus au tendre cinéma, deux japonais! la Loire, la Seine, la Moselle,
Un détail de la sculpture des tables de Noé

Chenonceau, des rouleaux de printemps d’automne et des amis, des câlins, des rires et des projets farfelus... une bien belle semaine, ma foi. Qui se termine par un troisième départ de Paris – c’en devient risible - en direction du grand est.

Je pars du cocon de Nancy, d’une que j’aime toujours autant malgré le temps et les événements,  dans la lumière tombante de la chaude journée. Elle m’éblouit dans les virages, la lumière, et j’hésite entre ralentir de sécurité ou y aller vraiment, franchement, pour goûter la prise de risque et jouir du tremblement de peur. Je ne vois plus le bitume ni les repères de route, je file, je fonce, je frissonne et je ferme les yeux !...
A chenonceau, ils illustrent
la fin tragique de Ned, dévoré par les rats.
… pas crédible, d’accord. Les chiens ne faisant pas de chats, bressans ou pas, je roule à 30, les fesses serrées,  les yeux plissés, priant pour ne pas basculer dans le fossé. Entre les éblouissements, cependant, je savoure la poussière soulevée du tracteur dans le champ strié, le soleil scintillant, déguste le  pont sur la petite Saône, encore enfant, au creux de son lit verdoyant. Des idées flottantes, des images d’arbres, de fleurs, des odeurs de champignons, le fantasme de quitter la ville à tout jamais pour retrouver mes racines et les sentir reprendre terre, un retour à Gaïa.


Claudon. C’est un nom rigolo, ça, Claudon. Un cheval au petit trot,  Claudon Claudon Claudon. Une riante bourgade vosgienne, comme les bonbons, au milieu de rien. Au milieu de l’essentiel. Je me sens libre et pleine de l’envie d’être ici, avec eux. Les grandes émotions, les beaux idéaux, toussa toussa. Je suis les panneaux Camping sans tomber dedans, sur les chemins terreux, forêt, jusqu’à l’orée de la clairière. Me gare à l’ombre d’une haie de séquoias géants. Une maison forestière s’impose juste derrière, bloc massif détonnant. Devant, sur un sac géant de sable, une pelle en plastique rose gît dans les mains d’un étrange enfant blond platine. Blond platine. DJ. Il me regarde fixement, ne bouge pas. L’image fugace du film Délivrance et sa musique entêtante, je trouve qu’un banjo remplacerait idéalement la pelle rose. Le sac au dos, je le salue, il ne bouge toujours pas. Banjo. A cet instant j’oscille entre 2 hypothèses : 1) il n’existe que dans mon imagination, 2) il est empaillé. Le fait qu’il ait subitement agité sa pelle sous mon nez a infirmé la seconde hypothèse, je ne suis pas aussi catégorique sur la première. Banjo a 3 ans et, à l’instar de Ned (pensée émue), il n’est pas inventable. Il marche pieds nus sur les cailloux sans sourciller, mange et bave de la terre, se jette sans prévenir dans les trous d’un mètre de profondeur et parle un charabia crypté décrypté par ses parents, ce qui semble à la fois essentiel et terriblement inquiétant. On me hèle, je me retourne et découvre la maman, le deuxième rejeton dans le dos. Elle est en train de finir de préparer le repas mais je peux entrer, si je veux.  De la soupe de poireaux et une poêlée de côtes de bettes à la coriandre. Je trouve cet accueil on ne peut plus agressif, mais je mords ma langue en regrettant d’avoir englouti le pot de caramel beurre salé offert par ma délicate amisuinière. Tu as bien reçu mon sms te prévenant de mon heure d’arrivée ? Elle répond que non, le téléphone ici ne passe pas, tous ces trucs là on est mieux quand on en est loin. Le téléphone ne passe pas, et il n’y a pas de wifi. Le téléphone ne passe pas, et il n’y a pas de wifi. Le téléphone ne passe pas, et il n’y a pas de wifi. Je
me sens sombrer dans un gouffre sans fond et le refrain funeste dans ma tête : le téléphone ne passe pas, et il n’y a pas de wifi, Gaïa me semble soudain beaucoup plus hostile que la soupe de poireaux, le retour à la terre mouillée, les arbres collants de sève, les limaces baveuses, c’était quoi cette idée de bobo à la con ?

J’avale ma salive.

Je respire un grand coup.

Et je continue, allez, l’aventure c’est l’aventure.

Maison et jardin pris de contact, magnifique de fruits et légumes débordants, de poules pacifiques, de lapins grassouillets, de moutons bêlants, les enfants dans mes pattes, le papa sur le toit, la maman m’expliquant. Même pas de rats. Soulagement. J’entrevois la lumière. Divine ?

La lumière ne marche pas, ce soir, sur ma table de chevet. Ils m’ont prêté une guirlande lumineuse et mon coin devient féérique. Mon
noyau d’avocat rwandais, organe rosé gorgé de vie, pousse doucement à mon côté. Ses bras de cure-dents et sa fente verticale lui donne un côté touchant, je l’aime, cet avocat. Un pousse de vert en son cœur, et dans 3 semaines il sera encore un peu plus grand.

Comme moi, peut-être ? Un sage m’a dit à l’oreille qu’on trouve souvent ce qu’on ne cherche pas. Je vais arrêter d’attendre et goûter de chacun de ces instants sans la pression du travail, dans la douceur de ma pousse d’avocat.

1 commentaire:

  1. on trouve souvent ce qu’on ne cherche pas. Je vais arrêter d’attendre et goûter de chacun de ces instants sans la pression du travail, dans la douceur de ma pousse d’avocat.

    Quelle belle sagesse

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