Voilà trois mois que j’ai quitté l’école, un mois et huit
jours que je suis officiellement en dispo, trois semaines que j’ai quitté Ivry
pour des expériences de wwoofing, et la pression commence à redescendre,
enfin ! C’est un nouveau quotidien qui se met doucement en place, fait de
découvertes perpétuelles, avec moins d’écrans et plus de douceurs, sans la
boule dans le ventre du dimanche soir, en savourant juste l’ici et
« maintenant ». On m’en avait parlé…
Si tu veux voir comme c'est paumé, clique ici |
Le rulish cuisant |
L’activité fraises consistait officiellement à préparer une
plate-bande en la paillant (avec de la paille), ne pas lésiner sur l’épaisseur
de paille, puis à y faire des trous (avec les mains) espacés d’une dizaine de
centimètres pour y planter les stolons coupés sur les fraisiers. Pour les
novices et les écrous, un rappel : le fraisier se reproduit de manière
super drôle, il lance des tiges autour de lui (les stolons), sur lesquelles se
développent des racines qui s’agrippent à la terre et font un nouveau fraisier.
C’est ça que je devais couper pour les replanter dans mes trous. Je me suis
mise consciencieusement à ma tâche, ravie de gratouiller la terre et de manger
des fraises gratos. J’étais tellement enthousiaste que j’ai subitement eu envie
de faire ça toute ma vie. Je serais passée de ferme en ferme pour repiquer les
fraises, me serais faite payer avec le gîte et le couvert (et des fraises),
tout le monde m’aurait demandée, tellement je repiquerais super bien les fraises.
J’ai donc coupé, creusé, planté, paillé comme une bête. Au bout d’une heure mes
ambitions s’étaient déjà nettement calmées. Le creux de ma main saignait à
cause du piquet que j’avais pris pour creuser plus facilement, la paille
m’empêchait de creuser les trous correctement, les ongles que je n’ai pas
étaient tout noirs et mon dé coulait. Au bout de 2h, alors ? t’en es
où ? Fière comme un bar-tabac,
dégoulinante de sueur mêlée à la terre et à la poussière je venais de
planter mon dernier fraisier. Caro a regardé mon travail et n’a pas simulé.
J’avais caché les fraisiers sous dix centimètres de paille, oublié d’arroser,
défoncé le petit piquet qu’elle avait gardé précieusement, planté des trucs qui
ressemblaient vraiment trop aux fraisiers, je te jure ! mais qui n’en
était pas, et pas terminé la plate-bande. Alors la fois d’après, elle a terminé les
fraises. Et moi, j’ai aidé Charles à monter les tuiles sur le toit.
4 palettes de 960 tuiles de 4kg chacune, conditionnées par 5, montées sur le
toit par 5 paquets. En sachant que je manipulais 2 fois chaque paquet et qu’un
enfant de 3 ans fabriquait un hangar à tracteur dans mes pattes, calculez quel
poids j’ai déplacé en 3h, devoir rendu demain et que ça saute.
L’histoire des tuiles a perturbé l’équilibre cosmique, j’en
suis certaine. Depuis, on se marre beaucoup moins, surtout météorologiquement
parlant. La Lorraine reprend visiblement ses droits. Il pleut. Il pleut. Il
pleut. J’ai donc passé mon temps à transformer les produits
locaux pour qu’ils se conservent. Mise en bocaux, lactofermentation, entre
autres. Mais j’ai aussi appris à faire du rulish de courgettes (poivrons,
curry, sucre, miel), du chutney de courgettes (poivrons, pommes, gingembre,
sucre, vinaigre), du gratin de courgettes, des beignets de courgettes et de la soupe de courgettes. Ah
oui, j’ai fait des courgettes farcies, aussi. Maintenant que j’en ai mangé plus
de 7 fois, je commence à aimer, mais faut quand même pas déconner. Comme ici,
les choses ne se font pas à moitié, j’ai aussi épluché une centaine de kilos de
pommes, avec le pèle-pommes d’abord, un engin génial sur lequel tu enfonces la
pommes, tu tournes la manivelle et hop ! plus de trognon et plus de
peau. J’ai consigné ledit
engin après qu’il m’ait sauvagement agressée en pelant mon petit doigt qui
n’avait rien demandé. Dix kilos de compote et autant de pommes séchées, un bout de petit doigt en prime et on ponctue
le travail de jus tout frais… on se plaint pas.
On se plaint pas, jusqu’aux châtaignes. Un cruel châtaignier
se dresse fièrement dans le jardin et darde ses lourdes branches jusque
sous les fenêtres. Traître. Il faudra s’en occuper quand elles tomberont,
tu verras c’est du travail ! mais c’est tellement bon. Les premiers jours
n’ont vu que quelques bogues éparses. Soit. Mais un matin, le vilain nous prend
par surprise et c’est, depuis, chaque jour qu’il faut ratisser les châtaignes
tombées du nid et ramasser les jolies, les joufflues, au moins 200, 300, 500 !
Le temps de faire le tour de l’arbre et autant sont tombées là où tu es déjà
passée. Ferme les yeux, fais semblant de
ne pas les voir et rentre, panier rempli. On pourrait faire de la
confiture ? Enthousiasme généralisé. J’encoche une heure durant en pestant
contre celui qui n’a pas encore inventé la machine à encocher, pourquoi mon
Dieu ? Je les fais cuire. Ouf. Mais
la suite engendre les véritables problèmes : il faut peler. Peut-être que ça n’a l’air de
rien, mais pèles-en deux, tu comprendras ma douleur à en avoir pelé cinq cent. Plusieurs heures de travail pour qu'au final... Caro foire la confiture, et les transforme en marrons glacés.
Tout ça pour dire que grâce à toutes les activités ludiques
proposées par les listes de Caro, je me râpe, me coupe, me brûle, me fais des bleus, des bosses (note à moi-même: ne jamais ramasser les châtaignes les yeux rivés à terre à proximité d'une table en bois), me plie de crampes et me fatigue drôlement. Je fais des nuits de dix heures et je mange (des courgettes) avec appétit. Je découvre, j'apprends, et tiens! je reprends contact. Avec les autres, avec la terre, avec mes mains. Et la (belle) vie continue…
Non seulement tu me fais rire, mais j'ai l'impression d'y être! Ce blog, Alexia, c'est vraiment une bonne idée. PS: si tu peux me mettre un ou deux bocaux de châtaignes de côté, je fais de super truffes avec ;-)
RépondreSupprimerOui tu me fait rire aussi. D'expérience en expérience.On continue d'apprendre
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