Y’a des gars qu’ont fait le Vietnam, d’autres l’Algérie. Moi
j’ai fait Ned. Certaine que ça impressionnerait les para, si je frappais à leur
porte.
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Le coin cuisine et vaisselle |
J’exagère tout de même parce que si Ned habite une
porcherie, il réserve la suite royale aux wwoofers. D’accord, la porte ne ferme
pas et le plafond des toilettes s’effrite sur ma tête quand je fais pipi, la
tringle rouillée s’est cassée en deux quand j’ai fermé les rideaux et une
piqûre de je ne sais pas quoi a fait doubler mon bras de volume, mais il n’y a pas
de rats et les draps sont presque propres. Il prend soin de moi, Ned, même s’il
mange des salades avocat/pamplemousse sous mon nez pendant que je me tape les
pâtes al (very) dente sur lesquelles il a cassé un œuf qu’il a du avoir avec ses
derniers tickets de rationnement. Ned, il trouve que j’ai un petit appétit,
c’est bizarre, parce que ça va beaucoup mieux depuis que je fais la vaisselle.
Non,j’y tiens, la vaisselle c’est une affaire de femmes. On se comprend,
avec Ned. Il me demande tout de même de faire attention à la belle assiette qu’il a volé chez Flunch le
jour de son anniversaire. Comme il est toujours tout seul le 3 août, il va chez
Flunch pour se faire un plaisir, il prend les frites à volonté, tant pis pour son diabète, et ils lui offrent un gâteau qu’il partage en
général avec ses voisins de table. Et l’assiette, cette année, il l’a piquée, ha les cons.
Je me dois d'évoquer tout de même mes journées assez légères !
Lever 8h15, repoussé de dix minutes, repoussé de dix minutes, repoussé de dix
minutes. Petit déjeuner avec Ned qui se plaint. Qui se plaint. Qui se plaint. Après
je vais donner à manger aux poules qui, elles, sont beaucoup plus rigolotes.
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Un coq rigolo |
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Une poule rigolote |
Juste un coq à crête noire, un crâneur, me vole dans les plumes dès que j’entre dans
l’enclos. J’ai essayé de dialoguer et de lui expliquer calmement le concept de coq au vin, il n'en a eu cure. Ned dit qu'il doit sentir que je suis une femelle. Heureusement que tous ceux qui sentent que je suis une femelle n'agissent pas comme lui.
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Regardez-le qui m'agresse, avec son air belliqueux ! |
Suite aux poules, je viens quémander l’activité. Ce matin, j’ai désherbé
la plate bandes de courgettes envahie de tout mais surtout d'orties, à la main, assise par terre au milieu des rats courant. Ayant fini, Ned me demande de désherber le
reste de la parcelle. Je suis venue, j’ai vu, j’ai laissé tombé direct.
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A droite: ce que j'ai pu désherber, à gauche: mon échec. |
Après, Ned a l’idée de faire brûler le tas de branches
mortes, alors il y met le feu, au milieu des voitures et des tondeuses à gazon. Il
m'assure qu'il n'arrivera rien et que si je m'inquiète, je peux toujours rester
à côté avec un seau d'eau. Il part et me laisse. Pendant 2h.
Après le repas et la sieste, Ned me demande de le conduire à 60km de là,
voir la maison de son auguste ancêtre, ou de son ancêtre Auguste, je ne sais plus (mais c’était un noble). Enfermée dans
un habitacle de Clio avec lui, j’ai eu un aperçu de ce qui m’attend en Enfer.
Parce que Ned, il parle tout le temps. Attention, pas tout le temps genre
« tout le temps », plutôt tout le temps genre
« ma-vie-dans-ses-moindres-détails-et-je-m'en-contrefiche-de-ta-gueule».
J’ai vaguement essayé de participer à la conversation, mais il gère très bien
tout seul. Du coup je peux prendre le temps de penser, ou d'admirer
le ciel bleu avec des nuages blancs, apparemment typiques des pays de Loire, d'après les locaux.
Prenez note. Attention, penser à ponctuer son discours de hochements de tête et de hummmements
régulièrement. Il en semble satisfait !... sauf hier soir. Il me parlait
de Bobonne. C’est une perverse narcissique, comme sa mère, elle aussi était
gratinée (j'ai tout lu sur les pervers narcissiques depuis 20 ans). Elle pleurait devant ses filles en disant que de toutes façons, elles
l’aimaient pas et qu’il valait mieux qu’elle meure, tout ça pour que ses filles
se jettent à ses pieds en disant « Maman on t’aime, ne meurs
pas ! »… mais là je sens que je vous ennuie avec mes histoires,
einh ? je sais que je vous ennuie, je devrais me taire et rester tout
seul, de toutes façons je vais mourir seul. Ce mec est un puits de culture,
musique, littérature, médecine, botanique, théologie, mais en psycho, c’est une
quiche.
Enfin bref. Il fait beau et chaud (oui Papa, c’est une
contrepèterie), et j’apprends ici que la
vie c’est de la merde, que les jeunes des banlieues crament des voitures ou
violent leurs voisines quand ils
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La coulée verte... d'orties. |
s’ennuient, et que l’apocalypse, c’est pour
demain. Il connaît des gars, des survivalistes, qui restent assis toute la
journée sur un tas de bouffe avec un fusil, mais lui il est pas comme ça.
Enfin, un fusil, ça peut servir, quand même. Surtout pour tous ces salauds
qu’il y a de partout ! Il y a encore un voisin qui est passé pour l’engueuler
que ses carcasses de voiture bousillaient le paysage. Je ne comprends pas
pourquoi il dit ça, dans un village aux rues étroites, vieilles demeures tout
en pierres, toits en ardoises, vignes vierges et clématites en cascades sur les
murs, les voitures mettent un peu de couleur. Et puis y’a ce gars, là, le faux
wwoofer qui lui a volé des trucs (il devait avoir du sang manouche). Il a osé
le traiter de dégueulasse ! Mais je digresse.
En résumé, donc, je passe mes journées à entendre un abruti
déblatérer ses histoires de noblesse et de manouches, les mains dans les merdes
de rats, en évitant de me faire attaquer par un coq en furie. J’ai la
réputation d’attirer les gens en souffrance, mais là j’ai décroché le pompon.
Ned est juste un homme terriblement malheureux qui prend des wwoofers pour lui
tenir compa
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Feu le poulain |
gnie. Il le cache en prétextant qu’il a besoin d’aide pour retaper
sa propriété, mais le délabrement est tel qu’à part brûler le tout, il n’y a
rien à faire… je crois que les jours où il est seul, Ned ne se lève pas.
Je suis triste pour lui, évidemment, mais ça n'empêche pas qu'il me gonfle sérieusement,
et malgré mon moral au beau fixe, cet endroit et son propriétaire me sont
franchement désagréables. J’ai donc pour projet de les quitter ce lundi, faire
un Tours, un détour, où le vent me portera…
Après Ned tout est possible;-). On ne peux que imaginer l'ampleur du désastre. Et tes mots nous le font ressentir à chaque instant. Je rigole beaucoup. Quel bordel!!!
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