vendredi 2 avril 2021

Et la lumière au bout du chemin...

Je rentre, je ne rentre pas. Je dois faire un choix. A ma droite son attente sourde m'oppresse autant que sa confiance.

Je rentre, je ne rentre pas. Sans sourciller j'ai dit que je le ferais. Comme d'habitude, j'ai peur de l'échec.

Je rentre, je ne rentre pas. Oser ce qui semble impossible, rentrer. Je souffle. Je vais le faire.

Mon regard s'aiguise et mes oreilles se bouchent. N'entends qu'un bourdonnement opaque qui me connecte aux frémissements, aux picotements, aux tensions de chacun des muscles que je bande insensiblement. Mobilisés, à leur place. Comme un fauve avant de bondir, je suis plus vivante que jamais.

Je mets en jeu mon honneur et l'équilibre cosmique. Je ne peux pas échouer.

Ma jambe gauche se tend.

La droite se soulève légèrement.

Imperceptiblement, tout se met en branle.

Réussir. Prouver au Monde que je suis capable.

Je jette un œil par dessus mon épaule. Une goutte trace ma colonne jusqu'au creux de mes reins et ma respiration ralentit. Un frisson. Je plonge en moi.

Mon subconscient maîtrise au delà de mes extrémités, plus de limite entre mon corps et ce qui l'entoure, je fais partie d'un tout. Je suis en transe. Plus rien n'existe que le lent mouvement que j'impose, vers l'objectif ultime.

Le sang me monte aux joues, tout à coup, je le sens, je le sais, tout lâche, dans un ballet coordonné mes bras suivent la chorégraphie menée par mes jambes, et j'accélère le rythme, je me sens m'envoler, je le fais, je maîtrise, ça y est, j'y suis!... j'ai réussi. La chute de tension fait monter mes larmes et dégringoler mon souffle, une bouffée de fierté, je suis... à ma place. Ici et maintenant, à ma place.

Je la sens à ma droite et déguste ces secondes étourdissantes qui précèdent l'intensité de notre communion à venir. Elle va, pour sûr, me féliciter de l'exploit. Je tourne la tête vers elle, faussement pudique. Elle fouille dans son sac. Elle dit qu'elle a faim, elle mangerait bien une tielle.

Une décharge, une fulgurance.

En un instant l'intensité de la minute précédente, et ses doutes, et ses enjeux disparaissent et les remplace la délicieuse idée des poulpes baignant dans leur sauce piquante, sous leur coque de pâte fondante... je bave. Je bave et j'oublie, finalement, que j'ai réussi mon créneau...

6 commentaires:

  1. J'adore!! Tu nous emportes!! Je l'ai lu 2 fois forcément: la 1ere c'est le tourbillon des mots et le mystere, puis la 2e c'est pour les idées claires (Et un sourire aux lèvres!!)! Mais surtout je me dis que je ne suis pas la seule à lutter pour des manœuvres :-)

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  2. J'adore!! Tu nous emportes!! Je l'ai lu 2 fois forcément: la 1ere c'est le tourbillon des mots et le mystere, puis la 2e c'est pour les idées claires (Et un sourire aux lèvres!!)! Mais surtout je me dis que je ne suis pas la seule à lutter pour des manœuvres :-)

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  3. Ben moi, ça m"embarque à chaque fois. Que c'en serait presque gênant, mais au diable ! Merci !!! Vraiment !

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  4. En effet, voilà un bon teste !

    La 2ème lecture le rend drôle...

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