samedi 7 décembre 2019

Il était une autre foi



J'ai de la chance.

J'ai pu assister, à l'occasion de l'ouverture d'un restaurant à Luang Prabang, à une cérémonie Baci. Tout le monde me demande m'est qu'est-ce c'est ? Mais qu'est-ce que c'est ? Mais qu'est-ce que c'est ? Raconte-nous Père Castor.

Rapidement : la majeure partie des lao sont bouddhistes, avec des gros relents d'animisme. Ils pensent que chacune des 32 parties de notre corps possède une âme, et que ces coquines ont tendances à s'éparpiller dans la nature... les cérémonies baci ont lieu à chaque événement important, et, dirigées par un vieux sage à qui on n'apprend pas à faire la grimace, ont pour objectif de rassembler dans nos corps nos âmes fuyantes...

Nous sommes arrivés au restaurant, invités par le propriétaire phalang. Une dizaine de personnes sont assises sur un tapis, quelques unes en costume traditionnel. En son centre : un autel qu'on appelle makbéng. Il est constitué de feuilles de bananiers pliées et orné de fleurs aussi diverses qu'étonnantes, ainsi que de fils de coton blanc, et surmonté d'une bougie. Le tout trône sur un grand plateau d'osier sur lequel sont disposées des offrandes, bananes, galettes de riz, boulettes de riz fourrées à la banane, friandises gluantes fluo au riz ou à la banane.



On s'assied, et je me sens gênée, j'ai peur de déranger, je ne sais pas où me mettre et comment faire, plongée dans cet inconnu... mais les regards sont accueillants et bienveillants, comme si je n'étais pas bizarre d'être là. Ils m'invitent à imiter. Nous encerclons le Makbeng et joignons les mains. Les sages psalmodient de l’incompréhensible, c'est doux et lancinant, certains yeux sont fermés... ils rappellent nos âmes. La ville s'efface. Sa clameur s'éloigne. Le temps suspend son vol, comme dans un écrin moelleux. Sus. Pen. Du. Mes âmes revenantes.

Puis les voix se taisent et les sages détachent du Makbeng les bracelets de coton. En prenant le temps, ils en nouent un à chacun de nos poignets en récitant des textes rituels, en frottant parfois nos paumes du bout du doigt, un échange de regards, un geste amical. Une solennité étonnamment légère, et apaisante...

Je dois garder les bracelets 3 jours minimum pour que les vœux de bonheur se réalisent. Les laisser tomber seuls si possible. Et puis y croire...


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