
Je bois mon café sur la terrasse,
seule avec mes quatre couches. La brume caresse les palmiers. La
brume caresse aussi les restes du frangipanier que j'ai dézingué
juste après avoir hurlé « JE SAIS FAIRE DE LA MOTOOOOO ! »...
j'ai encore des progrès à faire. Tout est calme, rien ne bouge.
Rien ne bouge ? Dans ce décor
fixe un frémissement. Attire mon œil. A côté du portail, sur un
gros bambou couché à côté des poubelles, un homme attend. Godot,
peut-être, autre chose ou quelqu'un d'autre. De profil, un peu
voûté, il fait partie, lui, de ce tout si doux. Il a ouvert et refermé notre grille, si légèrement que je n'ai rien
entendu – quand est-il entré ? il est là maintenant. Juste
là, sans raison, ou bien si : raison d'être juste là. Les
coudes posés sur les genoux. Il attend et j'attends avec lui. Les
minutes s'égrènent, et ma tasse se vide.
Ma curiosité casse pourtant la poésie
du moment.
Je me lève, et m'avance vers lui, les
mains jointes, le hèle, il déplie son corps rouillé et ses
grands yeux, brumeux comme le matin. Je crois qu'il m'attendait.
Je lui dis plein de mots et il me
répond plein de mots. Je fais des gestes, il en fait aussi. Je
répète, il répète peut-être, ou dit autre chose ? Il me
fait 3 avec les doigts, je lui demande s'il attend 3 personnes. Si ça
se trouve il veut attendre 3 jours ? Il m'explique patiemment,
je réponds d'un regard désolé. On fait tous deux l'effort pour
l'autre, résultats peu probants. Quelqu'un qui comprendrait les deux
langues rigolerait certainement beaucoup de notre échange de sourds. De mon interlocuteur je sentais l'entrain
s'affaiblir lorsque soudain je compris un mot... un mot, un lien,
un lien, une brèche dans le mur qui nous sépare ! Il avait parlé de Moon, qui habite sur le terrain.
Moon ? Moon ? Répétai-je galvanisée par cette inattendue
connivence. Moon ! Moon ! Scella-t-il notre union
langagière. Il se dirigea derechef vers la maison dudit homme
suscité mais néanmoins absent pour quelques jours dans un élan
digne d'Usain Bolt, je le suivis, intriguée, et devant la porte de
la cabane en taule je sentis le frémissement d'un revirement de
situation, le souffle court, le cœur en suspends, la tension battait
son plein lorsque le vieux se retourna, brandissant... une clé !
LA clé ! J'allais enfin tout comprendre ! Il glissa la
ferraille dans la serrure, poussa d'un geste déterminé la porte
branlante, mit un pied sur la marche et y glissa son buste qui
disparut dans l'obscurité. Déposa son sac. Referma la porte. Se
retourna. Me jeta un regard terriblement satisfait, me sourit, moi devant, haletante. Dit quelques mots qu'étrangement je
m'attendais à comprendre (mais non), avança de quelques mètres
et... s'assit sur le banc.
Le dos voûté, le regard fixe,
immobile, il clôt la scène. Il me laisse hagarde d'incompréhension,
et je reprends ma place dans son tout. Je lâche. J'accepte. Je
rentre chez moi.
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