vendredi 23 janvier 2015

Pomme pomme pomme pomme.

Elle monte sur sa copine pour manger,
et elle se croit maline.
Let’s wwoof again ! Je surveille encore de près, je m’inquiète, j’en transpire, mais toujours pas de tuile à l’horizon. Vaucluse, chambre d’hôtes, 60 brebis, leurs petits – qu’est-ce que c’est con, un mouton !, poulets, arbres fruitiers. Production de viande d’agneau et de jus de fruits.

J’occupe une place de choix, seule dans une chambre 3 lits, salle de bains et toilettes privatifs, du contraste avec le vieux canapé-lit partagé en Slovénie ! Rose, d’ailleurs, qui m’a écrit pour me raconter sa suite, après moi son déluge… les autres ont osé lui dire qu’elle faisait trop de bruit en mangeant, que ça les dérangeait, mais avec la musique ça devrait aller. J’ai eu de la peine pour elle, peuchère.
Ici, les repas pantagrueliques tout en bio des fermes du coin, concoctés par un sacré cuisinier. Enfin je dis sacré, je le dis pas trop fort parce qu’il hurlerait de son accent marseillais que bonne mère, si tu veux trouver plus athée que moi tu peux chercher longtemps, franchement, t’y crois toi, ty’as encore des fadas qui pensent que la vierge a fait un petit avé le bon Dieu. Bernard, c’est l’ours râleur qui aime manger et jouer aux cartes. Il s’énerve parce qu’à la télé, ils ont fait parler un spécialiste du terrorisme, il avait la tête d’un terroriste. Ils se foutent de nous, ils s’infiltrent partout les arabes, après ils tuent tout le monde et c’est la cagade. Bernard aime bien Jean-Pierre Pernaud. Il aime bien Guillaume, aussi – c’est son associé, il est blond aux yeux bleus-c'est un sacré numéro mais il est gentil.
Guillaume a 30 ans, grand et élancé, le visage rond de l’enfant qui se cache sous de faux airs d’adulte. Guillaume a quitté l’enseignement parisien pour suer entre pommes et brebis. J’ai travaillé une semaine avec lui en l’absence de Bernard, il m’a fallu puiser dans mes réserves de patience pour ne pas exploser que, fichtre, faudrait qu’il arrête de me contredire par principe. Avec lui je fais tout juste un peu trop, ou pas tout à fait assez. Pas là, plutôt là, et t’aurais du attendre 2 minutes, non, ça on va plutôt y faire plus tard.  Avec Guillaume, on a planté des pommiers. Plein. Une amie et accessoirement un proverbe marocain me susurrent Pour atteindre l’immortalité, écris un livre, plante un arbre, élève un enfant. Je me demande si je peux planter beaucoup beaucoup d’arbres pour compenser les deux autres, ça vaut le coup d’essayer.  En tous cas Guillaume aime bien Bernard, il le trouve gentil même si c’est un sacré numéro.
Je wwoof avec Anna l’autrichienne qui parle en tordant la bouche allemand, italien, anglais et français. Easy. Elle est très discrète et très gentille, elle a faim beaucoup trop de fois par jour, et on rigole comme des tordues en imaginant son chien en mère-grand du petit chaperon rouge. Diantre ça fait du bien. Quand Anna ne comprend pas l’accent marseillais de Bernard, il répète la même chose, aussi vite, mais en hurlant. Haha.

Nos journées, ici, sont ponctuées de brebis. C’est fou ce que ça mange, ces bestioles.  2kg par jour, paraît-il ! Entre les brebis, on fait du jus de fruit. De la pomme au point de vente, on trie, on broie, on presse, on met en bouteilles, on étiquette, et en cartons. Passionnant de voir les coulisses d’une production artisanale ! après avoir étiqueté 3000 bouteilles à la main, je comprends les 3e du litre.

Mais tout ça, je l’avoue, je le vis d’un peu loin dans ma tête, je pense et pense et pense au petit nez qui va bientôt pointer, aux petites mains qui vont bientôt s’agiter ; dans la dernière ligne droite je surveille le téléphone et j’attends en piétinant, en rêvassant, de faire enfin la rencontre de ma nièce. Tu vois, Dieu, si t’existes, au lieu de faire mourir les gens tu devrais faire naître les bébés.

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