vendredi 31 octobre 2014

Touchée en botte

Que le temps chargé passe vite !

Après un passage puce à Paris, amis, j’ai repris mon fidèle et rouge destrier pour partir à l’aventure par vonts et par mots. Pas seule, cette fois ! Ma délicate amie Sophie m’accompagne. Chargées de co-voitureurs aussi divers que d’été, français, québécois, polonais, par delà campagne, par delà montagne, traversant fleuves, sous les éléments plus ou moins déchaînés, nous sommes vaillamment passées saluer famille et amis en région, avant de continuer notre virée à deux, dans le nord de l’Italie, dans mon automobile, toutes les deux on sera bien.

Autant Sophie déguste l’idée de vaquer dans la botte, autant je rame à me détacher de sévères stéréotypes. Pour moi, l’italien est un tiffosi fascisant et dragueur qui parle fort, agite les bras et tombe devant l’arbitre en se roulant de fausse douleur, cruellement obsédé par l’idée de coller un carton jaune au pauvre adversaire ballant, mains sur la tête, jurant qu’il n’ a rien fait.
Ma légendaire mauvaise foi a trouvé tous les indices pour coller la réalité aux représentations, j’ai même ajouté la touche finale : entre les déambulations citadines, mythiques ou non, Venise, Padoue, Castelfranco, de jour, de nuit, mais toujours agrémentées de glaces et de pizza, nous avons pu goûter au désagréable frisson des trajets sur les routes italiennes. Sur ce point, l’italien se rapproche du rwandais dans sa perception toute personnelle du code de la route, limitations de vitesse kézako ? et lignes blanches continues inconnues au bataillon. Ils adorent, qui plus est, coller mes prudentes fesses pour les faire avancer plus vite. Ils sont fous, ces italiens.

Fort heureusement, nos haltes nocturnes chez l’habitant ont remonté la cote des condamnés. Une nuit chez la milanaise Roberta amoureuse de ses chiens, discrète et efficace, deux nuits chez une wonder familia que nous avons atteinte après la journée à Venise et
Le garage à 30e mérite bien une photo
ce p** de parking à 30e le jour… vannées, nous sommes arrivées à l’adresse entrée dans le béni GPS avec soulagement. Bagages déchargés, nous plantons devant la porte d’entrée et Sophie me fait finement remarquer que rien ne ressemble aux photos. Je vais voir le nom de la rue, elle correspond. Nous hésitons, ne comprenons pas le problème et puis… c’était piazza, pas via. Mais la ville ? Nous avons confondu avec le canton, la province, je sais pas quoi mais on y est pas, on s’est gourées, et là j’ai dit beaucoup de gros mots. J’attrape ma valise et mon avocat pour me diriger vers la voiture et là, c’est le drame. Je laisse tomber le sac contenant le pot et ma mascotte s’éclate sur le sol après un vol plané que j’aurais admiré si je n’avais pas été tétanisée, son sang de terre se déverse dans la via maudita, je tombe à genoux en levant les mains vers le ciel, POURQUOI MON DIEU, POURQUOI ?!! Je n’en rajoute presque pas. Sophie comprend ma détresse et doucement, rassemble les morceaux épars, retasse la terre, recouvre my précious avec tendresse. Et dans une lourde ambiance post réanimation, nous reprenons les 30km bonux, pressées de nous saouler du gâteau acheté devant lequel nous bavions depuis quelques heures, avant de nous jeter sur un lit confortable.

Nous sommes arrivées devant la maison encore illuminée vers 22h. Descendues de voiture, encore, déchargées les valises, encore. L’esprit demandant tranquillité, nous sommes accueillies de plein fouet par la familia, bras ouverts et trépidants, le papa, la mama, l’ado de fille, le mignon petit fils, la table mise pour le dessert typique, vous goûterez bien le vin ? et le limoncello ? Attendez, je sors le tiramisu !... et repues, bourrées aussi, juste après m’être assommée en entrant dans la douche avant d’en ouvrir la porte, nous nous sommes couchées, l’avocat convalescent veillant sur notre sommeil mérité.

L'italie du Nord se résumera pour moi aux choses remarquables de ce rapide passage: les glaces, une girafe sur un toit, un pique-nique sur la plage dans un village désert. Et cette semaine, les amis, m’a accompagnée Philippe Jaenada, Plage de Manaccora, 16h30. Pour finir et calmer votre inquiétude, à l'heure où je vous parle mon avocat se porte bien. Et moi aussi. C'est pas beau, la vie ?

samedi 25 octobre 2014

D'art d'art

Le trou de verdure où chantait une rivière, j’ai eu du mal à laisser. Quand ma voiture puissante a rugi du départ, nous avons toutes deux décidé d’y traîner encore nos savates, le long de la vallée de l’Ourch… un délicieux détour car inutile, juste pour caresser nos

sens avant de les agresser en ville. Une route sinueuse dans une campagne touchante de vieux bâtiments et d’animaux incongrus, d’arbres élancés et serrés, une campagne touchante de… silence. 
Un ciel bas mais des reflets, des ombres, tout comme j’aime.

L'animal incongru
Sur le bord de la route, à Darney, j’atteignis une étendue d’herbe encaissée dans la pierre, devant laquelle je m’étais déjà interrogée plusieurs fois. Semblaient s’ériger des sculptures étranges. Un monument tchécoslovaque, avais-je pensé initialement (non par hasard, sa ville étant siège d’un accord signé je ne sais plus quand entre je ne sais plus qui, mais il y  avait une histoire tchèque, au sujet de carnets, je crois). Le doute avait assailli mes supputations dans la mesure où un homme œuvrait la pierre les quelques fois que j’y passais. J’avais donc posé la question à Charles sur cet étrange endroit, ma lanterne avait été rapidement éclairée : un sculpteur avait acheté le lieu pour y travailler. Seul.
Fière à repasser devant la clairière dont j’avais saisi le sens, je décidai cette fois de m’arrêter. Pour voir. Voiture le long de la route, j’en descendis et m’approchai un tantinet. L’homme, cheveux grisonnants, en t-shirt malgré la fraîche bruine, casque anti-bruits sur les oreilles, en attaquant la pierre massive d’un mètre cube environ, maintenait fermement un marteau piqueur bruyant relié plus loin à une machine fumante et tressautante qui, de toute évidence, rappelait l’inventée par le fou père dans la Belle et la Bête. Oualah, j’te jure.
L’homme leva la tête. Me regarda. Le regardai. Le saluai. Il me sourit, reprit son ouvrage. J’hésitai, observai, tentai de dompter ma timidité, et j’y allai. Il releva la tête. Me reregarda. Je lui lançai ma curiosité, il me la renvoya en lançant : « Va voir ! ça va loin ! » et effectivement. Ca allait loin. Derrière la petite butte fermant la prairie, encore de l’étendue hérissée de créations. Partout, partout, de la pierre plus ou moins grosse mais plutôt grosse, taillée au marteau piqueur d’une finesse élégante, un vagin géant sur le flanc de la colline, de lourds cerceaux dévalant la pente et d’autres formes beaucoup moins reconnaissables mais aussi évocatrices, aussi stimulantes les unes que les autres.

Epoustouflée.

Je retournai voir l’homme qui m’attendait sans avoir l’air de m’attendre, arc-bouté sur son marteau piqueur, sous la pluie d’éclats de pierre. Je lui dis mon émotion, il me dit tu viens d’où. Il me dit tiens, essaie, et me met le marteau piqueur dans les mains avant que je n’aie le temps d’avoir peur. Je plie sous le poids et marteau-pique son oeuvre naissante, il est content. Tu vois, quand tu repasseras tu pourras dire que tu as participé. Personne ne vient me voir, ici.

La poitrine légère de ces images bruyantes et douces, je laissai Yves et son champs de pierre, qui aime la poésie et la douceur, qui travaille là parce qu’il ne travaille pas ailleurs. Qui ne gagne pas d’argent mais son bonheur. Et je crois qu’on s’est tous les deux fait du bien.


mercredi 15 octobre 2014

Histoire à quatre voix

Au jour du départ… je n’ai pas raconté, ou peu, un peu, la famille Ingalls et il est important. L’observation des spécimen m'a pris au moins autant de temps que tout le reste.

Caroline et Charles ont à eux deux sept décennies, deux fils de un et trois ans, 12 poules, deux coq, 4 poussins (et deux ont été mangés par le chat noir), 8 moutons moutonnes, 4 lapins et un chat (pas noir). Comptez le nombre de pattes.

Beaucoup de temps avec Caro, Junior au dos en permanence, sans soutien-gorge. Caro, pas Junior. C’est important, ça, sans soutien-gorge. Qui oserait ? je n’ai pas demandé pourquoi. Caro est très alternative, elle pense des trucs bizarres et souvent cohérents, fuit tout ce qui touche à la société de consommation, elle a pour objectif l’autosuffisance alimentaire, elle ne veut pas manger de cochonnerie. Ce que j’aime bien, chez elle, c’est qu’elle est complètement incohérente. Par exemple, elle enferme Banjo dans la chambre quand il est pénible alors qu’elle clame haut et fort le sans punition. Et puis je l’ai surprise sur facebook après avoir soupiré qu’elle devait travailler sur l’ordinateur pour une conférence qu’elle organise autour de l’école à la maison. Je l’ai vue se gaver de confiture à la cuillère alors qu’elle ennuie tout le monde avec son « sans sel et sans sucre ajoutés ». Je passe sous silence le pain sans sel et le gâteau d’anniversaire sans sucre, parce que je rejoins complètement Charles sur ce point, m’enfin, y’a quand même pas que la santé dans la vie.

Caro maîtrise, et elle n’appréciait pas toujours que je sois dans ses pattes, même si elle aime bien quand même parce que je fais tous les trucs pénibles comme peler 500 châtaignes ou nettoyer les casseroles qui ont accroché. Comme elle n’aime pas trop que je prenne des initiatives, elle aurait toujours préféré que je fasse autrement, mais ça va aller quand même. Elle a du mal à dire merci, ou à assumer de faire plaisir, alors elle râle. C’est du cinéma, c’est une gentille, au fond.

Elle était instit, dans une vie antérieure, comme d'autres en a beaucoup bavé, maltraitée par sa hiérarchie, s’est tournée vers les pédagogies alternatives. Plus précisément : elle est contre l’école et préfère élever ses fils à la maison, méthode empirique. L'enfant expérimente. Elle est partisane de ne rien imposer à l’enfant, de le respecter « comme un adulte ». Par exemple, quand Banjo tourne autour de la table en tapant sur des casseroles pendant qu’on mange, il faut le respecter. Quand il crache sur son frère, quand il me traite ou qu’il renverse exprès le panier de pommes, il faut le respecter. Il s’exprime ! Banjo, d’ailleurs, qui a toujours 3 ans et des brouettes et parle toujours en codé. Caro pense que c’est normal… je n’ose pas te dire que, sans certitude mais bien probablement, ton gosse a de sérieux problèmes orthophoniques. Banjo a environ 3 consonnes dans son alphabet. Patoto pour « Tracteur Tom » ou « popo » pour « compote » (ce qui peut causer quelque confusion), « Sola » pour « Flora » ou « pou » pour « soupe ». Répète, Banjo : « vache ». « Za ! » Et très sérieusement, elle dit que c’est fou, il arrive jamais à dire vache. Ceci dit le petit Banjo est un enfant très épanoui qui adore courir pieds nus dans la terre, enlever son pantalon et agiter son zizi quand il fait 8° dehors. Banjo connaît tous les légumes du jardin, et les outils de Papa, aussi, même si bon sang, mais non, je t’avais dit le grand niveau, c’est pas un niveau ça. J'aimerais bien revenir voir ce que ça donne, tout ça, dans dix ans.

Junior, son frère, est un enfant charmant, mais strident. Son père dit qu’il a le cri de la buse, ce qui me fait beaucoup rigoler, mais pas trop fort parce que Caro, elle a pas trop le même humour. Il ne crie pas, il s’exprime ! Il faut le res-pec-ter ! On peut le laisser s’exprimer, m’enfin, on peut quand même lui dire d’arrêter de nous hurler dans les oreilles. Caro et Charles ne sont pas toujours d’accord sur l’éducation des enfants.

Charles est super cool. C'est un grand escogriffe, dégingandé, avec des bras de vélux, mais il est super fort, avec sa ceinture serrée au dernier cran et encore elle est trop grande. Il a porté au moins 12000 tonnes de tuiles, et je n’exagère même pas. Il a globe-trotté pendant des années, seul, en stop, avant de rencontrer Caro sur Internet, mariage, maison, bébés et le voilà dans la prairie. Il est vivant, Charles, un peu plus que sa femme. Il aime raconter des blagues sur les mosellans et dire des gros mots. Voyons, Charles, on avait dit pas de gros mot devant les enfants.

Hier était un grand jour, j'ai planté mon avocat. Il avait poussé comme un champignon, près du poêle. Il devient grand.

Hier aussi, on a goûté dehors. Sur une table en bois et sous les châtaignes qui sifflaient à nos oreilles. Pain maison, confiture maison, miel maison, pommes maison, popo maison. Il faisait un temps magistral et ce moment était si doux !... J’ai pris une photo des quatre fantastiques. J’étais bien, ici, avec eux, les courges, les pommes, les tuiles, et le feu qui crépite dans le poêle quand je m’endors.

J'ai eu du mal à partir, cet après-midi. J'ai traîné ma carcasse dans cet endroit si serein en fermant doucement ce petit chapitre. Quelques jours à Paris et le prochain s’ouvre dimanche pour le début d’un périple de dix jours à deux, direction l’Italie du Nord et la Croatie. Youpi !


Avant de quitter, juste une profonde pensée pour Jeannine qui me lit et vit des choses douloureuses en ce moment. Je lui envoie plein de chaudoudoux. Une dédicace à Judith pour la raison qu’elle sait, et un câlin par anticipation à ma nièce qui a encore 4 longs mois au chaud de sa Maman <3

vendredi 10 octobre 2014

9 octobre

Voilà trois mois que j’ai quitté l’école, un mois et huit jours que je suis officiellement en dispo, trois semaines que j’ai quitté Ivry pour des expériences de wwoofing, et la pression commence à redescendre, enfin ! C’est un nouveau quotidien qui se met doucement en place, fait de découvertes perpétuelles, avec moins d’écrans et plus de douceurs, sans la boule dans le ventre du dimanche soir, en savourant juste l’ici et « maintenant ». On m’en avait parlé…

Si tu veux voir comme c'est paumé, clique ici
… neuf jours de travail auprès des habitants de la petite maison dans la prairie, et le temps passe vachement plus vite qu’à l’école. En début de journée, Caroline Ingalls me donne une petite liste et me l’explique. Deux fois. Me montre. Me donne les outils. Me rappelle. Bon, je concède : j’ai un sérieux problème de compréhension de consignes doublé d’une mémoire de poisson rouge. Ma petite liste, je dois l’annoter et la numéroter, barrer les choses faites et ne pas la perdre, sinon je fais les trucs de traviole. Je préférerais faire les trucs de raviole, avec une salade c’est super bon.

Le rulish cuisant
La semaine dernière a été lumineuse ! je l’ai donc passé dehors à , entre autres, désherber, ramasser carottes, haricots, courges, courgettes, à aller chercher du bois dans la forêt, à tondre, à tailler les herbes aromatiques, à repiquer des fraisiers …

L’activité fraises consistait officiellement à préparer une plate-bande en la paillant (avec de la paille), ne pas lésiner sur l’épaisseur de paille, puis à y faire des trous (avec les mains) espacés d’une dizaine de centimètres pour y planter les stolons coupés sur les fraisiers. Pour les novices et les écrous, un rappel : le fraisier se reproduit de manière super drôle, il lance des tiges autour de lui (les stolons), sur lesquelles se développent des racines qui s’agrippent à la terre et font un nouveau fraisier. C’est ça que je devais couper pour les replanter dans mes trous. Je me suis mise consciencieusement à ma tâche, ravie de gratouiller la terre et de manger des fraises gratos. J’étais tellement enthousiaste que j’ai subitement eu envie de faire ça toute ma vie. Je serais passée de ferme en ferme pour repiquer les fraises, me serais faite payer avec le gîte et le couvert (et des fraises), tout le monde m’aurait demandée, tellement je repiquerais super bien les fraises. J’ai donc coupé, creusé, planté, paillé comme une bête. Au bout d’une heure mes ambitions s’étaient déjà nettement calmées. Le creux de ma main saignait à cause du piquet que j’avais pris pour creuser plus facilement, la paille m’empêchait de creuser les trous correctement, les ongles que je n’ai pas étaient tout noirs et mon dé coulait. Au bout de 2h, alors ? t’en es où ? Fière comme un bar-tabac,  dégoulinante de sueur mêlée à la terre et à la poussière je venais de planter mon dernier fraisier. Caro a regardé mon travail et n’a pas simulé. J’avais caché les fraisiers sous dix centimètres de paille, oublié d’arroser, défoncé le petit piquet qu’elle avait gardé précieusement, planté des trucs qui ressemblaient vraiment trop aux fraisiers, je te jure ! mais qui n’en était pas, et pas terminé la plate-bande.  Alors la fois d’après, elle a terminé les fraises. Et moi, j’ai aidé Charles à monter les tuiles sur le toit. 4 palettes de 960 tuiles de 4kg chacune, conditionnées par 5, montées sur le toit par 5 paquets. En sachant que je manipulais 2 fois chaque paquet et qu’un enfant de 3 ans fabriquait un hangar à tracteur dans mes pattes, calculez quel poids j’ai déplacé en 3h, devoir rendu demain et que ça saute.

L’histoire des tuiles a perturbé l’équilibre cosmique, j’en suis certaine. Depuis, on se marre beaucoup moins, surtout météorologiquement parlant. La Lorraine reprend visiblement ses droits. Il pleut. Il pleut. Il pleut. J’ai donc passé mon temps à transformer les produits locaux pour qu’ils se conservent. Mise en bocaux, lactofermentation, entre autres. Mais j’ai aussi appris à faire du rulish de courgettes (poivrons, curry, sucre, miel), du chutney de courgettes (poivrons, pommes, gingembre, sucre, vinaigre), du gratin de courgettes, des beignets de courgettes et de la soupe de courgettes. Ah oui, j’ai fait des courgettes farcies, aussi. Maintenant que j’en ai mangé plus de 7 fois, je commence à aimer, mais faut quand même pas déconner. Comme ici, les choses ne se font pas à moitié, j’ai aussi épluché une centaine de kilos de pommes, avec le pèle-pommes d’abord, un engin génial sur lequel tu enfonces la pommes, tu tournes la manivelle et hop ! plus de trognon et plus de peau. J’ai consigné ledit engin après qu’il m’ait sauvagement agressée en pelant mon petit doigt qui n’avait rien demandé. Dix kilos de compote et autant de pommes séchées, un bout de petit doigt en prime et on ponctue le travail de jus tout frais… on se plaint pas.

On se plaint pas, jusqu’aux châtaignes. Un cruel châtaignier se dresse fièrement dans le jardin et darde ses lourdes branches jusque sous les fenêtres. Traître. Il faudra s’en occuper quand elles tomberont, tu verras c’est du travail ! mais c’est tellement bon. Les premiers jours n’ont vu que quelques bogues éparses. Soit. Mais un matin, le vilain nous prend par surprise et c’est, depuis, chaque jour qu’il faut ratisser les châtaignes tombées du nid et ramasser les jolies, les joufflues, au moins 200, 300, 500 ! Le temps de faire le tour de l’arbre et autant sont tombées là où tu es déjà passée. Ferme les yeux,  fais semblant de ne pas les voir et rentre, panier rempli. On pourrait faire de la confiture ? Enthousiasme généralisé. J’encoche une heure durant en pestant contre celui qui n’a pas encore inventé la machine à encocher, pourquoi mon Dieu ? Je les fais cuire. Ouf.  Mais la suite engendre les véritables problèmes :  il faut peler. Peut-être que ça n’a l’air de rien, mais pèles-en deux, tu comprendras ma douleur à en avoir pelé cinq cent. Plusieurs heures de travail pour qu'au final... Caro foire la confiture, et les transforme en marrons glacés.

Tout ça pour dire que grâce à toutes les activités ludiques proposées par les listes de Caro, je me râpe, me coupe, me brûle, me fais des bleus, des bosses (note à moi-même: ne jamais ramasser les châtaignes les yeux rivés à terre à proximité d'une table en bois), me plie de crampes et me fatigue drôlement. Je fais des nuits de dix heures et je mange (des courgettes) avec appétit. Je découvre, j'apprends, et tiens! je reprends contact. Avec les autres, avec la terre, avec mes mains. Et la (belle) vie continue…