Je suis contente de vous revoir !
je lui dis. Le visage familier disparu depuis octobre dernier, me
sert mon café quand je déplie l'ordinateur. Il a le t-shirt élimé,
le jean trop court et les cernes creusées. On se parle pour la
première fois. Son sourire doux. Ses soleils au coin des yeux. Il
s'accroupit, à ma hauteur, et parle fort pour tendre sa voix par
dessus le tram, pour tendre sa voix par dessus le masque. Pour venir vers moi. Me demande
si je suis toujours en télétravail, mais non, je dis, les personnes
que j'accompagne ont besoin de moi même en temps de pandémie. Vous
connaissez Germaine Revel ? il s'exclame. Un accueil pour personnes
handicapées, ma femme y est. Elle y travaille pas, non, elle a une
sclérose en plaque. Une fois par an, elle part pour qu'on s'occupe
d'elle. Nous on fait ce qu'on peut, c'est pas tous les jours facile.
Ça la rend folle de ne pas pouvoir aller acheter sa baguette. De ne
pas atteindre son verre d'eau sur la table. Seule elle
peut rien faire. On l'aide comme on peut, mes filles et moi, quand on
travaille pas. On a plus besoin de parler, on sait ce dont elle a
besoin... on lit dans ses yeux. On commence à la connaître, ça
fait 20 ans... 20 ans qu'on s'occupe d'elle. C'est triste, au bord
de ses cils, et moi je balbutie. C'est dur, oui. Tu veux que je dise
quoi ? Il se déplie et se détourne, il a du boulot. Un pas, ou
deux, se retourne et sa main droite monte à son cœur, il me surprend, il lance :
c'est dur mais c'est là. C'est la femme de ma vie. La femme de ma
vie. Et repart.
jeudi 17 juin 2021
Juste une minute
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