Quitter la quiétude du
Laos et trouver le bouillonnant Vietnam... déjà 10 jours de voyage
et chaque place a sa saveur, son identité. Découvrir des us,
trouver des liens. Reconnaître avec amertume parfois l'ancienne
présence française. Se saoûler de nouveauté.
Ho Chi Minh, la
grouillante. Le nom lourd se souvenirs. Saïgon. Des millions de
deux roues, autant de klaxons, des gens qui karaokent seuls sur un
bout de trottoir, dévorant leur micro, déferlant leurs tripes,
comme coincés entre le royaume des vivants et celui des casseroles.
Ho Chi minh nous a ouvert son ventre et ses douleurs au musée des
horreurs, de la torture et de l'agent orange. Ho Chi Minh nous a
hurlé la vie dans ses artères de fêtes aux boum boum insolents.
S'y côtoient les voyageurs en perdition, les enfants cracheurs de
feu et les vieilles dames qui vendent les poissons séchés derrière
leur resto à roulettes... Ho Chi Minh nous a grillées, saoûlées,
épuisées. Next.
Cat Tien, la sauvage. Un
coin perdu, un parc naturel, une jungle touffue. On a rencontré Papa
Co, qui a veillé sur nous et a fait le singe en imitant d'autres
animaux... avec lui nous avons sillonné la jungle à l’affût de
bouts de corps ou de cris. Pas un cm² de libre, la nature occupe
tout l'espace. Au sol comme aux cimes, ça court et s'entrelace, ça
s'embrasse, ça s'envole, ça se tord et se noue, ça fait lien, ça
respire, ça bouge, ça bouillonne! Une odeur incroyable d'humus et
de vie. Une immense forêt où se sont cachés les militaires
vietnamiens des mois durant.
Nous avons marché,
marché, pédalé aussi, sur la route sinueuse, une quinzaine de
kilomètres, avalant une chaleur et une poussière étouffantes. Au
retour quelques gouttes... puis un déluge par dessus nos tenues
légères, transformant la poussière en boue et coinçant les roues
de nos vélos, fallait nous voir porter nos destriers trempées
jusqu'aux os, à 10km de la ligne d'arrivée !... quelques
centaines de mètres et nous vîmes un nid d’ornithologues
néerlandais, par chance abrité. Nous abandonnâmes derechef nos
chevaux morts et montâmes retrouver les drôles d'oiseaux qui
piaillaient d'observer les congénères. Nous étions devenues
flaques, de pluie et de larmes de rire, de cette situation loufoque,
humide et serrée. On a moins ri quand on s'est rendu compte que le
passeport de Laurie était tombé dans la boue, sur la route, sur
laquelle avaient éclaboussé plusieurs voitures, déjà. Bo penyang,
tout est rentré dans l'ordre. J'ai juste un peu frôlé la mort
ultérieurement, quand même, quand j'ai goûté une noix de cajou
fraîche, ramassée de l'arbre, sans savoir que c'était terriblement
toxique , surtout ne le mange pas cru, tu peux mourir avec ça,
c'est Germain qui l'a dit. Je vis encore, mais j'ai eu vachement
peur.
Dalat la fraîche, et son
univers impitoyable. Une bulle coloniale perchée sur la montagne,
une station de ski française coincée aux années 30. A cela près
qu'on y mange des Ban Mi de rue sur des mini chaises en plastique.
Difficile de capter une ambiance quand on reste en ville. Next.
Nha Trang la russe, Nha
Trang la beach. Des kilomètres de sable fin hérissés de buildings
décapants, et des néons fluos qui vomissent un tourisme de masse
assez dégueulasse. De vieux russes traînent des minettes liftées
et autobronzées, et de jeunes russes, chemises ouvertes sur torse
puissant, en traînent des d'autres en maillots serrés qui posent
face à la mer, cambrées, confondant l'air romantique avec l'air
cruche. Les menus des restaurants sont en russe et les distributeurs
automatiques eux-mêmes nous proposent l'argent en russe. Prises à
la gorges nous trouvons la bouffée d'air, l'échappée belle avec
Uncle Chanh... il nous propose un tour en moto en dehors de la ville,
on réfléchit pas trop, on saute sur l'occasion et sur son deux
roues. Il est tout ridé et sautillant, il parle anglais avec un
accent sacrément aigu, et il veut tout nous montrer, take a
picture ! des fabriques de feuilles de riz aux redresseurs de
bambous, same here same here, des tisseuses de tapis aux pishermen du
billèdge, safariiii !... c'était curieux, ce tourisme-là, se
sentir un peu voyeur, observer comme des bêtes en cage les gens dans
leur vie quotidienne. Son obsession à vouloir nous prendre en photo
in the ril laïpe des vietnamiens, fais ton selfie devant le
pont, je te prends au pied du Bouddha. On lui a vite dit que ce type
de photos, non merci, mais je ne sais pas trop si mon tourisme à moi
vaut mieux que celui des russes. Uncle Chanh, pour le bouquet final,
nous a emmenées voir une cascade au milieu d'un parc en plastique.
Fausses fleurs liées à de vraies branches, chemins de cailloux
peints, nids géants où se prendre en photo. Ça fait rien, on lui
en veut pas, on a bien rigolé. Sauf pour la fausse vigne, ça m'a
pas fait rigoler, faut pas déconner.
Et Hoi An, maintenant, la
douce, la lumineuse !... découverte au petit jour, au saut du
sleeping bus dans lequel personne n'a réellement pu sleeper,
émouvante Hoi an s'étirant d'une nuit pour sûr agitée... du
marché du matin, gorgé toujours de formes et d'odeurs inconnues sur
les étals débordants, les cris des vendeurs haranguant le chalant,
les regards amusés des femmes devant les nôtres ignorants. Que
j'aime cette ambiance, cette vie, cette place où je n'ai pas la
mienne ! je suis comme une parenthèse, je plane là où
personne ne me voit. Juste de passage. Au coin d'une rue, nos cœurs
se trouvent accrochés par un portrait de Brassens à l'entrée d'un
café, celui des Amis. Un tout abîmé, tout âgé, s'approche de
nous, et brandit tremblant mais sûrement, un livre qu'on trouvera
empli d'avis sur son restaurant. Répertoriés méthodiquement par langues, et par villes. C'est Grand-Père Kim, qui décartonne un peu, un ancien
champion de saut en hauteur reconverti en restaurateur, aîné de 16
enfants dont 15 sont partis vivre à l'étranger. L'aîné, le vieux, forcé, il a du rester au Vietnam pour honorer la mémoire de ses ancêtres.
De son histoire, il semble aussi fier que triste. Fredonne du
Brassens. Veut nous faire du canard, mais ce sera pour plus tard, ou
pas... l'autre bout de la journée fut hors du temps, aussi, un Hoi
An by night, toutes deux collées sur un scooter, derrière une viet
athée au casque-dragon, chantant DANCE FOR ME DANCE FOR ME à
tue-tête, une scène !... on a rencontré Chu dans un magasin,
et elle a pris nos coordonnées car elle tenait mordicus à nous faire
découvrir les escargots à l'ail qu'elle adore et fait glisser avec la fameuse bière
Larue, arc boutée sur - toujours -les mini chaises en plastique. Elle est passée
nous prendre juste après notre dîner pour nous en proposer un
deuxième, dans une gargotte de locaux, pourquoi priver nos estomacs de
l'expérience ? On est plus à ça près. On fonce, on se
régale, on se moque des touristes et on lui apprend des gros mots en
français. Jolie rencontre parmi d'autres... nos quelques jours ici
furent si intenses, de marche, de partages et de dégustations diverses,
d'une parenthèse paradisiaque sur l'île de Cham, d'innombrables
émerveillements (la plupart étant dus aux dégustations
susmentionnées), et de lanternes... Hoi An, la ville des lanternes, un peu, beaucoup, passionnément, de toutes les couleurs, de toutes les tailles, ici, là, partout ! C'est déjà beau la journée, mais la nuit la douce s'illumine jusqu'au plus petit de ses recoins. Encore, j'en veux encore... m'abreuver de l'ailleurs avant de retrouver mon ici. Encore un peu. Observer ces étals de tout et de rien où public et privé se mêlent, ces échoppes familiales, s'étonner de devoir enlever ses chaussures à l'entrée des maisons alors qu'ils y garent les scooters, goûter au hasard un truc chelou dans la rue, admirer ces vieilles femmes qui portent des balanciers de victuailles et s'enivrer discrètement des autels fumants de faux billets, jouxtant les coupes de fruits, le soir, quand les gens prient sur le pas de leur porte... encore un peu, encore un peu...
susmentionnées), et de lanternes... Hoi An, la ville des lanternes, un peu, beaucoup, passionnément, de toutes les couleurs, de toutes les tailles, ici, là, partout ! C'est déjà beau la journée, mais la nuit la douce s'illumine jusqu'au plus petit de ses recoins. Encore, j'en veux encore... m'abreuver de l'ailleurs avant de retrouver mon ici. Encore un peu. Observer ces étals de tout et de rien où public et privé se mêlent, ces échoppes familiales, s'étonner de devoir enlever ses chaussures à l'entrée des maisons alors qu'ils y garent les scooters, goûter au hasard un truc chelou dans la rue, admirer ces vieilles femmes qui portent des balanciers de victuailles et s'enivrer discrètement des autels fumants de faux billets, jouxtant les coupes de fruits, le soir, quand les gens prient sur le pas de leur porte... encore un peu, encore un peu...