J'erre depuis des jours dans le dédale de couloirs qui me perd, qui m'espoire, qui me perd encore, encore, et me fait croire. Tout à coup, mon regard effrayé de déboucher là, le plafond, si haut, et les murs, si loin, je crie pour entendre ma voix résonner mais le vide l'étouffe et le vide m'étouffe! je respire rauque, ça commence à coincer dans la gorge et ça m'affole,
j'agite,
je cours,
sans aucun sens
et l'immensité me noie... l'espace, à perte de vue. Le rien. Je sens monter cette torsion dans le ventre, les tentacules naissent d'une petite boule et grossissent, elles s'emparent de mes organes et enserrent chaque cellule de ma vie
sournoisement la lave glacée de l'angoisse glisse dans ma poitrine et darde sa langue dans ma trachée qui s'ankylose
ça rauque ça sourd ça bloque et ça jaillit de ma gorge en feu, la tête basculée le corps en arc je paralyse un hurlement qui ne sort pas et tout à coup STOP je me fige.
Une seconde
tout s'arrête
je ne ressens plus rien
La tête me cogne boum boum ça pulse dans mes tempes la tête me cogne et et tout à coup mes poings aussi, fort, je ne peux pas empêcher, ça frappe, fort, fort, faut faire souffrir ce corps et tuer ces pensées pour arrêter tout ça vite, vite
Je m'écroule
En foetus sur le sol nu de ma cathédrale, mes genoux collent ma poitrine écrasée sur le froid de la dalle. J'ai replié mes bras et sur ma nuque mes doigts s'entrecroisent. Pas un bruit. Écroulée. J'attends. J'attends le coup fatal.
A l'intérieur le vide. Le grand vide. Tendre mes sens n'en a plus. Je ne vois plus, je n'entends plus, je ne ressens plus. Pas un désir. Pas un besoin. Pas un élan de vie. J'inspire. J'expire. J'inspire. J'expire et mon front frappe doucement le sol au rythme lent du cœur qui bat sans vie. Boum. Boum. Boum. Je veux sentir mon corps. Boum. Boum. Boum. La mélopée lancinante ravive la morsure du froid et je saigne et j'ai mal et je me fais survivre, un peu. Boum. Boum Boum. Pourquoi ?
Par les fenêtres qui se sont closes j'ai vu sans un regard s'envoler chaque détail de ma vie, comme ça. Partis. Les premiers câlins, les bonnes notes, les insultes de la cour, l'inceste, l'amoureux, la réussite au concours, sa mort, les voyages, les bobos, la trahison des gens aimés, les rires égarés, les pleurs écoulés, sa mort, j'ai vu tout ça partir et j'ai gratté encore ce qui restait collé, les sentiments, les envies les projets. Les liens. J'ai arraché ces croûtes et je les ai crachées. Ne reste rien. Mon corps en sang dans ma cathédrale vide. Le silence assourdissant. Je suis figée. J'attends la mort. Je l'imagine, m'envoler par dessus le fossé, m'endormir en délire coloré, m'attraper court, me finir vite. Dans ma cathédrale vide, j'attends, pour finir