Je racontais mes débuts, voilà déjà
la fin. Une dernière soirée, bien calme sous les projecteurs fatigués, FIP en
fond, celui-là passe dans la rue et m’envoie tranquillement un baiser, je me
rappelle…
… la première réunion d'équipe, timide...
… la panique, être certaine de
ne jamais retenir les consignes, pas capable de gérer seule la caisse...
… la rage de constater encore l'erreur, compter encore, appeler un ami, avoir un peu honte, réaffectation du mode de paiement, j'ai oublié les contremarques...
…. la fierté d'avoir mis en page une jolie fiche de renseignements...
…. la fierté d'avoir mis en page une jolie fiche de renseignements...
… le code du coffre fort que je
déteste faire, trois fois à gauche, deux fois à droite, une fois à gauche et
clic…
… les cartes de fidélité, écrire
petit, tout petit, pour que tout tienne dessus, mon écriture sous leurs yeux
pendant un an, applique-toi…
... déplier, annoter, trier, ranger les 3500 affiches géantes, rédiger, parfois sans avoir vu les films, les textes du programme qui seront refaits de toutes façons, trop courts, trop longs, faudrait pas en parler comme ça. Tenter de réunir les infos sur l'accessibilité du cinéma mais n'y arriver jamais, le noter dans le dossier. Râler du mac qui va mal parce qu'il n'est pas PC, créer les affiches des soirées spéciales, qui seront vues ! dire bonjour, 5euros s'il vous plaît, non la salle n'est pas climatisée, oui vous pouvez entrer, non ce n'est pas un cabinet d'avocats ici, non je ne crois pas qu'on passera Terminator...
... déplier, annoter, trier, ranger les 3500 affiches géantes, rédiger, parfois sans avoir vu les films, les textes du programme qui seront refaits de toutes façons, trop courts, trop longs, faudrait pas en parler comme ça. Tenter de réunir les infos sur l'accessibilité du cinéma mais n'y arriver jamais, le noter dans le dossier. Râler du mac qui va mal parce qu'il n'est pas PC, créer les affiches des soirées spéciales, qui seront vues ! dire bonjour, 5euros s'il vous plaît, non la salle n'est pas climatisée, oui vous pouvez entrer, non ce n'est pas un cabinet d'avocats ici, non je ne crois pas qu'on passera Terminator...
… les gâteaux, les glaces, les bières,
de l’entr’actes animé, portes fermées, légèreté, entre 17h et 17h30…
… les fâcheries, les bouderies,
les potins, les histoires d’ici, comme partout ailleurs, leur microcosme, une
équipe touchante, fatigante, envahissante, unique, dynamique, motivante… bavarde,
dictatoriale, lunatique, égoïste, altruiste, douce, piquante, une main qui a
poussé mon dos, m’ont fait confiance…
… les mots sur mon vélo, les
mails rigolos, les blagues à deux balles pas toujours marrantes et ma susceptibilité…
… elle qui arrive en retard,
toujours, sa gibecière au dos, et prend le temps de demander si ça va, dans les
yeux, comme ça, parce que c’est important, qui m’apporte un litre de jus
d’orange, une fois, parce que je suis gentille, et me donne son numéro ce
soir, pour garder contact. Ici on a jamais assez de temps…
… lui qui passe devant tout le
monde, sans gêne, la bave aux lèvres, la chemise tachée, son bout de papier qui tombe, écrit du
titre et de l’heure du film mais demande toujours je viens voir quoi
déjà ? c’est commencé ? c’est dans quelle salle ? et c’est quoi,
le film ? ah, c’est en bas ?...
… les projections, seule dans la
cabine ronronnante, capitaine du bateau, les regarder s'installer par la lucarne et cliquer sur la petite flèche, comme
pousser sur scène les mouvants du film et tout s’anime…
… ces portes vitrées, trop lourdes
pour les personnes âgées, d’où je vois les affiches à l’envers, d’où je vois
la pluie tomber, le soleil peser, les vies défiler…
... le hérisson du retour chez moi, toujours au même endroit. C'est Pougne, il me fait du bien.
... le hérisson du retour chez moi, toujours au même endroit. C'est Pougne, il me fait du bien.
... et les chaudoudoux de fin de
contrat, les mots gentils des uns, le chocolat de l’autre, les numéros de
téléphone, le bouquet de roses, les petits cadeaux, les petits gâteaux, les câlins, les encouragements, la gorge serrée, la gorge serrée, les larmes au
bout des cils… et voilà. C’est fini. Je referme la porte et je m’en vais deci,
délà. Sans Ernest qui est mort.